Les ateliers indépendants se positionnent pour absorber l’arrivée sur leur marché de véhicules électriques et hybrides. Dans ce contexte, est-ce une bonne idée ?
Nous avons parlé à plusieurs propriétaires d’ateliers de mécanique qui ont complété un programme de formation reconnu leur permettant d’entretenir ou de réparer les véhicules électriques et hybrides de leurs clients. Malgré un essoufflement de l’intérêt envers ces technologies, elles semblent suffisamment bien implantées dans notre marché pour justifier l’investissement en formation et en équipements.
Il est toutefois rafraîchissant d’entendre que la captation d’une part croissante du marché n’est pas nécessairement la seule ou même principale raison de la souscription au mouvement VÉ.
« Moi, je suis un mécanicien », tranche Ghislain Leclerc, propriétaire de l’atelier indépendant Import-Tech de Lévis. « Un mécanicien, ça aime comprendre et ça aime régler les problèmes. Je fais ce métier depuis 40 ans, et il est hors de question de me laisser dépasser par la technologie. J’en ai vu d’autres ! »
Pour ce spécialiste de la voiture européenne, la voiture électrique représente une visite rare dans son atelier. « Ce n’est pas encore significatif, car je ne répare pas les modèles populaires comme les Bolt ou les Leaf », explique le garagiste. « Cependant, je suis allé chercher la certification pour les Tesla, notamment pour approfondir ma compréhension sur ce qui représentait alors le plus haut niveau de la technologie électrique. »
Pour lui, l’électrique et l’hybride vont représenter une part croissante de son chiffre d’affaires dans les années à venir. « Non seulement nous devons montrer à nos clients que nous sommes qualifiés pour réparer leurs voitures, mais aussi que nous sommes en mesure de le faire à meilleur prix que le concessionnaire. »
Une évolution naturelle
Pour Steve Oborne du garage du même nom, sous la bannière UNI-PRO, la voiture électrique n’a plus de secret et fait partie du quotidien depuis près de 10 ans. Il fait partie des pionniers du programme Compétences VÉ. « Je suis dans le bois à Windsor en Estrie et pourtant, j’ai des clients qui vont faire une heure de route pour me confier l’entretien ou la réparation de leur véhicule hybride ou électrique. Je fais zéro publicité pour les attirer », témoigne M. Oborne.
Selon cet expert qui est d’ailleurs chroniqueur dans nos pages, les consommateurs hésitent en partie à opter pour la solution électrique pour leur prochaine voiture s’ils sentent qu’ils seront captifs des concessionnaires pour son entretien. C’est là où un atelier indépendant peut tirer son épingle du jeu.
Ce spécialiste fonctionne sur la base de deux tarifs horaires. Un pour la mécanique générale et l’autre qui s’applique dès que l’ordinateur ou l’analyseur entre en scène. Cette règle s’applique autant pour les véhicules électriques, hybrides que conventionnels.
Il constate qu’avec les véhicules électriques et hybrides, en effet, il vend plus de temps que de pièces. « L’entretien des freins et la mise à niveau ou le remplacement des liquides restent pour le moment les activités les plus fréquentes sur ces véhicules. » Cela étant dit, M. Oborne n’hésite pas à entreprendre des travaux que même les concessionnaires osent à peine considérer pour remettre ces voitures de nouvelle génération sur la route.
Attirer et conserver la clientèle
Patrick Simard de l’atelier M Mécanique 360 de Sainte-Foy a effectué le virage électrique pour son atelier il y a au moins trois ans. « C’était le prolongement normal de ce que nous faisions. Lorsque le réseau a lancé son programme de reconnaissance Vérifié Électrique par Vast VÉ, nous étions prêts. Pour nous, suivre les nouvelles tendances, c’est nous assurer d’être encore en opération dans dix ans », souligne-t-il. Il faut dire que le fait de pouvoir compter sur un fils de 24 ans à ses côtés dans l’atelier rend la transition encore plus facile et naturelle.
M. Simard estime de 15 à 20 % la part de ses volumes représentés par les véhicules électriques et hybrides dans ses opérations. « Il faut comprendre que les voitures de cette technologie sont encore jeunes, couvertes par les programmes des constructeurs, mais attendez encore cinq ans et vous allez voir grimper la demande dans les ateliers formés et équipés pour les recevoir », prédit-il.
En fait, l’atelier a déjà ouvert quelques batteries de haut voltage pour en remplacer des cellules. « Mais pour le moment, le VÉ, c’est surtout une question d’entretien régulier et de remplacement de pneus », illustre-t-il.
Cet atelier M Mécanique 360 jouissait déjà d’une réputation enviable auprès de sa clientèle. Les compétences techniques se sont combinées à une maîtrise du diagnostic électronique pour mettre la clientèle en confiance. « Afficher nos compétences en matière de véhicule électrique, ça passe un message d’expertise pour l’ensemble de notre clientèle. Non seulement ça attire de nouveaux consommateurs, mais ça nous permet de rassurer nos anciens et de rester leur atelier de choix s’ils transitent vers l’électrique. »
Tout l’écosystème bouge
Finalement, ce que signale Charles Bernier, du Garage Yvon Vanier à Montréal, c’est que non seulement les ateliers entrent dans la danse de l’électrification, mais également toute la chaîne d’approvisionnement. Le certifié du programme NexDrive de NAPA, souligne en effet que la compréhension du virage électrique part de l’entrepôt, passe par le magasin jusqu’à son aviseur technique pour se rendre à ses techniciens.
« Aller chercher cette compétence est important pour notre entreprise si on veut être en mesure de réparer tout ce que le marché nous soumet. Mais il ne faut pas négliger l’impact qu’a un programme de formation structuré sur l’enthousiasme des troupes, souligne l’entrepreneur. Encore une fois, nous sommes là pour montrer aux consommateurs que nous pouvons réparer au lieu de remplacer. » Il illustre ses propos en parlant du remplacement d’une batterie, qui peut représenter la somme astronomique de 15 000 $, alors que sa réparation va coûter environ un dixième de cette somme au consommateur.
« Dans l’ensemble, on voit que le réseau se développe », conclut M. Bernier. « L’investissement est minimal et on peut trouver de plus en plus de pièces de remplacement. C’est un peu plus compliqué dans la pièce usagée, mais on voit de plus en plus d’initiatives locales. » Bref, encore une fois, le marché secondaire automobile répond positivement à un nouveau défi.
L’effet de ces formations, peu importe la couleur du réseau qui la diffuse, est aussi manifeste au cœur des équipes techniques. Il est très valorisant pour un technicien d’ajouter une telle corde à son arc de connaissances. De plus, le gestionnaire sait qu’il pourra confier ces voitures à son équipe en toute sécurité, une bonne partie de la formation offert abordant ce volet en détail.
Accompagner le virage
Les mécaniciens avec lesquels nous avons parlé pour ce reportage sont des vecteurs de changement. Ils ont des voitures de courtoisie électriques ou hybrides qu’ils mettent entre les mains de leurs clients qui vivent, souvent, une première expérience d’électromobilistes. Et au comptoir, il leur arrive constamment de conseiller un consommateur qui veut, à son tour, passer à l’électrique. La voiture électrique est-elle la solution miracle en matière de transport durable ? Probablement pas. Mais ces garagistes répondront certainement « présents » quand une nouvelle technologie révolutionnaire viendra compléter notre parc automobile.