À quoi ressemblent le parcours et la philosophie de l’homme qui murmure à l’oreille des leaders du milieu automobile nord-américain depuis plus de 40 ans ? Entretien avec l’expert qui a remis l’humain au cœur de la croissance des entreprises.
Réjean Lortie n’a pas toujours été passionné par le monde automobile. C’est même par un heureux hasard qu’il y a atterri en 1980, alors qu’il était étudiant et désirait devenir enseignant.
« J’ai décroché un emploi d’été de livreur pour le magasin de pièces d’auto D.W. à Québec, raconte-t-il. Mais pour être honnête, je ne connaissais rien de cette industrie, je n’étais pas particulièrement intéressé par les voitures, et je me faisais une fausse idée des mécaniciens, que je croyais rustres et désagréables. »
Quelques mois plus tard, quand on lui a proposé de demeurer dans l’entreprise plutôt que de retourner à l’université, le jeune homme n’avait plus du tout la même opinion de ce milieu ni de ses collègues.
« Je ne suis pas resté pour les pièces d’auto, mais pour les employés des ateliers de réparation, des gens dévoués, travaillants, ultra-serviables et tissés serrés. Je me suis réellement attaché à eux, et ça n’a jamais changé », avoue-t-il.
De la base au sommet
Réjean Lortie n’est finalement jamais revenu aux études. En l’espace de 15 ans, de livreur, il est devenu commis de comptoir, puis commis aux pièces, avant de bifurquer vers les achats, les comptes à recevoir, la représentation sur la route, et enfin la direction des ventes et de magasins au sein de la même bannière.
« Et je n’ai jamais rien demandé ! souligne-t-il. On m’a présenté ces opportunités au fur et à mesure, et je les ai acceptées. C’est pour cela que je dis toujours, lors de mes conférences, que c’est votre milieu de travail qui vous tire vers l’avant, et non le contraire. »
C’est également à travers ce processus qu’il s’est rendu compte d’une chose essentielle qui marquerait sa carrière : l’importance de l’humain dans le succès des entreprises automobiles.
« La compétence la plus importante dans ce milieu, selon moi, c’est celle du savoir-être, édicte-t-il. Pourquoi ? Parce que c’est elle qui permet de se distinguer d’une concurrence offrant à peu près les mêmes produits et services que soi. »
M. Lortie a eu l’occasion d’éprouver à plusieurs reprises cette vision, notamment lorsque le magasin D.W a été acquis par Auto Point, intégré par la suite dans le groupe Carquest Auto Parts, lui-même géré par Advance Auto Parts depuis 2014. D’une position de gestion dans une petite structure, il a été propulsé comme cadre supérieur dans des groupes comptant des milliers de magasins à travers le Canada et l’Amérique du Nord.
« Lorsque j’ai été responsable de 60 représentants, on m’a envoyé à Chicago pour apprendre des techniques de ventes et des indicateurs de performance… que je n’ai jamais utilisés. Et pourtant, après trois ans, je surpassais déjà les attentes de la direction grâce à ce qui est devenu mon credo : on ne travaille pas pour quelque chose, mais pour quelqu’un. »
Dans les faits, M. Lortie ne gérait pas ses représentants avec des objectifs de vente. Il prenait le temps de les rencontrer un par un, chaque année, pour connaître leur réalité, leurs défis, et tisser avec eux des relations garantes de succès. Si bien qu’il a finalement été mandaté pour former les mêmes responsables nord-américains qui, auparavant, ne juraient que par les chiffres. Et qu’il s’est du même coup trouvé une marque de fabrique qui le suit toujours.
Le pouvoir relationnel des ventes
Aujourd’hui âgé de 64 ans, Réjean Lortie est officiellement à la retraite ; enfin, pas tant que cela, puisqu’il agit à titre de consultant pour une vingtaine de clients du milieu automobile, dont plusieurs anciens concurrents. Il donne également cinq formations en ventes internes et externes, en plus de présenter la conférence « Vendre avec cœur », qui met en relief les rôles que jouent l’écoute, l’empathie, l’intégrité et le cœur dans l’établissement d’une relation gagnante avec un client.
« En ventes, aujourd’hui, plus que jamais, il faut revenir à la base, explique-t-il. Travailler au bien-être de ses clients, respecter ses fournisseurs et son environnement. Le reste, ça s’arrange. »
À une époque où les véhicules sont beaucoup plus fiables qu’avant – on en change en moyenne tous les 11 ans, contre cinq avant – l’expert est convaincu que ce qui détermine le succès d’un atelier, c’est la valeur ajoutée que l’on offre.
« Un garagiste n’est pas juste là pour réparer des bris. Il assure l’entretien du véhicule d’un client envers lequel il a une responsabilité. Comme je le répète régulièrement, il vaut mieux en prendre moins, mais en prendre soin », assure-t-il.
Cette approche vaut tant pour ses clients que pour ses employés. De plus en plus d’ateliers l’ont d’ailleurs compris en fermant les vendredis après-midi et la fin de semaine, ainsi qu’en fournissant à leur personnel un bon salaire, du mentorat et des activités d’équipe.
« Cette logique se vérifie encore plus avec l’incertitude qui règne en ce moment avec les États-Unis, ajoute-t-il. Si le prix des pièces et des services vient à augmenter, il faudra tout autant hausser la valeur de son service à la clientèle. C’est ce qui fera en sorte qu’elle sera loyale et aura confiance en nous à long terme. Tout le monde y gagnera. »
Fort d’une réputation qui a fait ses preuves, comment Réjean Lortie envisage-t-il son avenir ? « Eh bien, ma femme me dit souvent que je ne suis pas prêt à réellement prendre ma retraite, répond-il en souriant. Et je crois qu’elle n’a pas tort, car j’ai le sentiment que j’ai encore beaucoup à donner au milieu automobile. » Un grand monsieur, n’est-ce pas ?
Une grande nouvelle !
L’équipe d’Autosphere est ravie d’accueillir Réjean Lortie parmi ses chroniqueurs. « J’ai choisi de rejoindre ce magazine pour sa solide réputation, se réjouit-il. C’est une valeur sûre avec laquelle je ne crains pas d’associer mon nom. » Quels sujets abordera-t-il ? Les ventes et le service à la clientèle, bien sûr, ainsi que les valeurs d’engagement, de passion et de motivation dans le secteur automobile. Bienvenue dans la grande famille d’Autosphere, M. Lortie !