Avec la rareté de la main-d’œuvre, l’idée d’offrir un coffre de démarrage aux nouveaux techniciens fait son chemin.
L’idée n’est pas nouvelle et a fait l’objet de bien des discussions au cours des dernières années : donner accès aux nouveaux techniciens entrant en atelier à un coffre de départ pour les encourager à choisir une carrière dans le marché secondaire automobile.
« L’opinion à ce sujet évolue, constate Jean-François Champagne, président de l’AIA Canada. Les gestionnaires réalisent que dans un contexte de rareté de main-d’œuvre, il faut se rendre attrayants. Il y a une pression du marché alors que les ateliers n’arrivent pas à trouver les travailleurs dont ils ont besoin pour réparer les voitures. D’un autre côté, les opérateurs viennent de passer à travers une crise importante qui a mis de côté plusieurs projets. Ceci étant dit, il faudrait aller plus vite. Notons que les ateliers fournissent déjà plus d’outils que l’on pense, notamment pour les équipements spécialisés et de diagnostic. Et s’il existe des initiatives locales, il faut mieux coordonner les efforts. Chose certaine, le coffre de départ, c’est quelque chose que nous recommandons. »
Même son de cloche à la division du Québec de l’AIA où le président Patrick Saint-Pierre est impliqué de longue date dans les opérations visant à attirer la relève.
« C’est une idée très intéressante. Un atelier pourrait très bien donner accès à un coffre à un nouveau technicien finissant s’entendant avec lui qu’il lui appartienne en propre après deux ou trois ans au sein de l’entreprise, par exemple. »
Une approche structurée
Mélanie Desharnais, vice-présidente de Desharnais Pneus et mécanique, a d’ailleurs mis en place dans ses ateliers une approche d’accompagnement toute simple.
Les nouveaux techniciens ont accès à un kit de départ, s’ils n’arrivent pas avec leurs propres outils. Ils devront remettre au prochain ces outils de base lors de leur départ.
« Les mécanos arrivent habituellement avec leurs outils de base, constate Mme Desharnais. Néanmoins, nous les dépannons s’ils en ont besoin. C’est évidemment plus fréquent du côté des travailleurs saisonniers dans le secteur pneu. »
La vice-présidente de Desharnais Pneus et mécanique souligne aussi que l’entreprise fournit beaucoup d’outils et d’appareils partagés.
« On ne parle pas d’un ensemble de tournevis et d’un jeu de douilles ici, mais des équipements spécialisés et appareils dispendieux que nous devons régulièrement remplacer pour nous maintenir à niveau. »
L’entreprise a par ailleurs mis en place un programme spécifiquement pour les techniciens qui veulent graduellement enrichir leurs coffres personnels.
« Nous savons que certains mécaniciens aiment avoir leurs propres outils et que leur coffre est en perpétuelle évolution, explique Mme Desharnais. Pour les aider, nous leur offrons une possibilité de financement, sans intérêt, avec des prélèvements directement sur leur paie pour l’achat d’outils. Dans certains cas, nous pouvons leur faire profiter des rabais que nous offrent des fournisseurs. Ce n’est qu’une fois le prêt remboursé que nous voyons ensemble s’ils veulent faire d’autres achats. »
Le grand avantage de cette pratique est que le prêt est limité à quelques centaines de dollars à la fois, évitant au jeune technicien de s’endetter lourdement en début de carrière.
L’autre aspect positif est que ce prêt est sans intérêt.
Cette approche permet aussi de voir quels outils sont en forte demande et si l’entreprise ne devrait pas les acquérir et les offrir en partage.
Partie d’un ensemble
Gaétan Delisle, vice-président régional des ventes pour la division camions lourds TruckPro de UAP/NAPA, qui compte 140 ateliers au Canada, est particulièrement sensible à cet enjeu qui va, selon lui, au-delà des outils.
« Que ce soit pour la mécanique automobile ou de camions lourds, il y a de plus en plus d’efforts déployés pour trouver et conserver les techniciens dont nous avons besoin. Le recrutement international est maintenant à l’agenda. Chose certaine, trouver les ressources dont nous avons besoin est difficile. »
Pour M. Delisle, offrir le coffre à outils de départ, qui se chiffre rapidement au-delà de 2000 dollars, est une idée considérée par plusieurs ateliers et il note des initiatives locales.
Des bourses aux étudiants, l’offre de stage ou encore des cartes cadeaux pour l’achat d’outils dans un des magasins du réseau sont des pratiques qui se répandent.
L’idée d’établir un programme de soutien pour l’ensemble du réseau fait son chemin.
« Il faut toutefois regarder l’offre dans son ensemble, insiste-t-il. Le coffre est un des éléments dans l’équation. L’atelier doit offrir une rémunération compétitive et des avantages sociaux intéressants. La pandémie nous a aussi démontré que les gens veulent travailler à proximité de la maison. À ce chapitre, être sensible dans la mesure du possible, à la conciliation travail et famille est une approche tout aussi importante que d’offrir un coffre d’outils. »