Les technologies de sécurité qui se multiplient sur les véhicules poussent les carrossiers à devenir des experts des systèmes électroniques.
Le balayage et l’analyse des données électroniques des véhicules accidentés sont devenus pratiques courants dans les ateliers de carrosserie. Découvrir et documenter tous les codes d’anomalie liés à la collision permet de construire une estimation des travaux de réparation précise et complète. Combinée aux processus de réparation des constructeurs cette forme d’estimation réduit les discussions avec les assureurs qui veulent voir, pour résumer, ce pour quoi ils paient.
L’avènement des systèmes avancés d’aide à la conduite, les ADAS, vient ajouter une couche de complexité à l’opération. Y’a-t-il des capteurs, caméras ou autres équipements électroniques à remplacer ou à calibrer dans le cadre de cette réparation ? Pour plusieurs ateliers de carrosserie, s’approprier ce type de travail, au lieu de le retourner aux concessionnaires, est incontournable. Nous avons parlé à trois carrossiers qui ont plongé avec détermination dans les eaux troubles de la calibration ADAS.
Rentable et nécessaire
La première question que nous avons soulevée est à savoir si l’investissement en temps et en argent pour mettre en place tout ce qui est nécessaire pour effectuer ces calibrations en valait la peine.
« Le fait de pouvoir tout effectuer à l’interne nous permet de réduire les temps de cycle, puisque nous n’avons plus besoin d’attendre que la voiture soit traitée chez le concessionnaire », témoigne Alexandre Kane de Carrossier ProColor Vaudreuil-Dorion et Saint-Lazare. « Nous faisions déjà tous les scans de diagnostic électronique et certaines programmations de modules. Nous avons un technicien très intéressé, déjà investi dans la recherche des problèmes dans les systèmes électroniques et électriques. Pour lui, le diagnostic et la calibration des composantes ADAS devenaient un prolongement logique de ses tâches. »
Au sujet de la rentabilité, M. Kane dit n’avoir aucun problème à facturer ces calibrations aux assureurs puisque tout est documenté dès l’estimation des dommages. Quand il est clairement indiqué dans les processus de réparation du constructeur automobile que des calibrations sont nécessaires, la discussion avec l’assureur est abrégée sinon éliminée.
« Je dois avouer que l’investissement et tout ce qui tourne autour de l’implantation nous faisaient peur, reprend M. Kane. Avec l’impact positif qu’elle a eu pour toute l’entreprise, le fait d’avoir rapatrié la calibration dans nos ateliers est devenu un poste rentable. »
Technicien en diagnostic et calibration
Jérémie Martel de CARSTAR Anjou à Montréal a aussi été du nombre des pionniers en matière de calibrations ADAS. « Oui ce sont des équipements qui demandent de la place et de la formation, mais je vous dirais que tout cela a été rentabilisé en moins d’un, tranche-t-il. Nous avons plusieurs techniciens dans notre équipe formés en diagnostic électronique et calibration qui peuvent régler 95 % des défis. Vous savez aujourd’hui, pas moyen de remplacer un couvert de parechoc ou un phare sans faire une reprogrammation ou une calibration. Gérer cet enjeu technologique à l’interne c’est développer ici notre compréhension approfondie de la réparation des nouvelles générations de véhicules. Ce n’est pas une dépense, ça fait partie de notre vision d’avenir et en passant, c’est une belle façon de faire briller la réputation de nos ateliers. »
M. Martel considère qu’un bout de chemin a été parcouru en matière de rémunération de ces travaux de pointe. Le diagnostic électronique, tout comme la calibration des systèmes ADAS, demande expertise et équipements coûteux. Des tarifs sont applicables pour ces opérations, mais l’ensemble de nos intervenants admettent qu’une majoration serait tout à fait logique puisque les processus de calibration se complexifient dans bien des cas.
Plus simples avec l’expérience
Nos carrossiers mentionnent aussi qu’après des tâtonnements initiaux normaux, les calibrations ADAS deviennent de plus en plus simples au rythme de l’expérience croissante du technicien. Les diverses formations disponibles sur ce sujet jettent les bases, mais le véritable apprentissage se fait en branchant des voitures, toutes sortes de voitures.
Sébastien Thibault de l’atelier Carrossier ProColor de Cabano, apporte un autre point concernant la rentabilité. « Nous sommes dans le comité de notre réseau qui a analysé ce nouveau phénomène, notamment pour tenter d’établir une tarification. Encore aujourd’hui, un ajustement du taux versé par l’assureur serait nécessaire, car au-delà de la calibration à proprement parler, il y a des étapes à compléter qui nous demandent du temps. » Il en veut par simple exemple qu’il faut souvent mentionner au client de livrer sa voiture avec un réservoir d’essence plein et un coffre arrière vide en prévision de la calibration. Sinon, le carrossier doit prendre le temps d’appeler le client et lui demander la permission de faire le plein et le vide. Des détails qui s’accumulent à la fin.
Des chiffres éloquents
Selon M. Thibault, près de 50 % voitures réparées dans son atelier nécessitent une forme ou l’autre de calibration, parfois même plusieurs calibrations. Avec jusqu’à 30 livraisons de véhicule par semaine, on comprend que les techniciens affectés à ces tâches ne se tournent pas les pouces. Mentionnons au passage qu’ils travaillent le soir, quand l’atelier est relativement vide, certaines calibrations sur de gros véhicules demandant tellement d’espace que l’opération accapare l’équivalent de trois baies de service.
Pour lui, la clé de la rentabilité de l’investissement de plusieurs milliers de dollars nécessaire à la calibration ADAS est de profiter du balayage des données électroniques des véhicules – une opération subie par tout ce qui roule dans son atelier – et d’en tirer tous les codes d’anomalie liés aux systèmes avancés d’aide à la conduite. « Nous portons une attention particulière aux processus liés à ces problèmes à régler, pour nous assurer que tout est rigoureusement indiqué dans l’estimé, illustre le carrossier. Le revenu à en tirer est dans la documentation rigoureuse des dossiers. »
Selon nos trois participants, toute la question de la calibration ADAS illustre aussi le changement technologique que doivent négocier les carrossiers. « Si tu ne te mets pas à jour, ce ne sera pas long avant que tu ne puisses plus rien faire sur les voitures, prédit Alexandre Kane. N’oublions surtout pas que ces calibrations sont en lien direct avec la sécurité de nos clients. »