Nous sortons des sentiers battus dans cette édition pour présenter un atelier hors normes, celui de l’équipe Pirelli responsable de la fourniture et de la préparation des pneus pour les équipes de Formule 1.
C’est lors du Grand Prix de Formule 1 du Canada, qui s’est déroulé à Montréal le 15 juin, qu’Autosphere a eu le privilège de découvrir l’atelier de préparation des quelque 1 800 roues prévues pour la course, grâce à une généreuse invitation du fournisseur unique de pneus pour l’événement, le fabricant italien Pirelli.
Une vingtaine de techniciens sont chargés de préparer ces pneus pour chaque Grand Prix. Il s’agit d’une équipe volante hautement qualifiée qui parcourt les 24 circuits du championnat de Formule 1 sur tous les continents. Pirelli, tout comme les écuries de course d’ailleurs, ne fait guère appel aux talents locaux, comptant sur des équipes de techniciens formées selon ses exigences.
Concernant les pneus, cette équipe de haute voltige doit préparer environ 1 800 roues en une journée et demie. « Et toutes ces roues doivent être rigoureusement identiques », explique Mario Isola, chef de Pirelli Formule 1, rencontré dans le paddock de Pirelli, situé dans l’annexe du circuit Gilles-Villeneuve la veille de la grande compétition montréalaise. La Fédération Internationale de l’Automobile (FIA), qui supervise les compétitions automobiles, garde un œil sévère sur le respect des règlements. Par exemple, un code-barres unique est appliqué sur chaque pneu afin d’en assurer la traçabilité.
Tous pareils
Chaque équipe recevra son lot de pneus, en général une vingtaine d’ensembles, répartis en pneus lisses, intermédiaires et pour la pluie.
Les jantes sont fournies par un fabricant unique agréé par la FIA, ce qui signifie qu’elles ne peuvent pas différer d’une équipe à l’autre, afin de ne favoriser personne. Les équipes sont responsables du transport des jantes ; ainsi, si une jante est endommagée pendant le transport, l’équipe doit en fournir une de rechange. Des jantes de rechange sont également prévues en cas de dommages dus à des chocs ou des accidents sur la piste. L’équipe de préparation des roues reçoit toutes les jantes avant le week-end, afin de commencer le montage le mercredi.
« Les pneus P Zero, que Pirelli va fournir jusqu’en 2027 à la FIA selon le contrat en cours, répondent à des spécifications très précises. Pour le montage, la proximité des freins de la jante demande une grande dextérité », explique M. Isola. L’équilibrage est également une étape qui nécessite une grande précision. Imaginons une roue mal équilibrée sur une voiture qui, en ligne droite à Montréal, dépasse la vitesse de 330 kilomètres heure !
Équipements connus mais modifiés
Tout ce travail de précision est effectué avec des équipements que nos lecteurs des centres de pneus et de mécanique vont reconnaître. Certaines modifications ont été apportées aux machines pour s’adapter aux dimensions des jantes de 18 pouces et au profil particulier de ces pneus de performance ultime. Une attention particulière est portée à l’ergonomie des opérations de préparation des roues. Avec 1800 roues à monter en moins de deux jours, la cadence est soutenue, et on voit l’utilité des élévateurs pneumatiques et des convoyeurs à rouleaux qui facilitent leur manipulation.
Les dimensions des pneus sont déterminées par le règlement technique, rappelle l’équipe technique de Pirelli. Ils sont gonflés à l’air asséché, mais les écuries peuvent remplacer l’air par de l’azote dans leurs installations tout en respectant des paramètres précis.
Mentionnons que les pneus arrière sont plus larges afin d’offrir une plus grande surface de contact avec l’asphalte au niveau de l’essieu arrière, ce qui améliore l’adhérence, l’accélération et la stabilité de la voiture. La charge aérodynamique des monoplaces repose également principalement sur l’essieu arrière.
Des retombées technologiques
M.Isola souligne d’ailleurs que les pneus de Formule 1 développés pour résister à ces charges aérodynamiques ouvrent la porte aux solutions pour véhicules électriques. La création d’une structure des flancs plus solide pour résister à ce poids est un bon exemple de transfert de technologie vers les pneus vendus au détail aux électromobilistes.
Autant pour les qualifications que durant la course, les stratégies de gestion des pneus reposent sur les épaules des équipes. Souvent, un mauvais choix selon les conditions de la piste fait toute la différence. Pirelli positionne un ingénieur au sein de chaque équipe. Ils sont là pour surveiller la performance des pneus en conditions réelles, mais aussi pour partager avec les écuries des considérations sur l’état des pneus. « Nous convenons, avant les épreuves, de ce que nos ingénieurs pourront partager dans les paddocks, encore une fois par souci d’équité », précise M. Isola.
Les équipes de Formule 1 sont consultées lors du développement des nouvelles générations de pneus lorsque la FIA change certains critères. « Nous écoutons tout le monde, car chacun a ses préférences, mais c’est la FIA qui tranche afin d’éviter le favoritisme. »
Du virtuel vers la piste
La dernière version des pneus Pirelli pour la Formule 1, signée P Zero, a impliqué la création de 70 prototypes virtuels mis à l’épreuve durant 5000 heures sur simulateur. Cela a donné 30 pneus à valider sur la piste par les écuries de Formule 1. « Cette approche nous permet d’être plus écoresponsables », souligne M. Isola. À ce sujet, il pointe le flanc du pneu P Zero destiné au championnat de Formule 1. Le pneu porte le logo du FSC pour cette saison de course, et ce, jusqu’en 2027 au minimum. Il s’agit de la certification que le caoutchouc naturel contenu dans le pneu est conforme aux normes rigoureuses du FSC en matière de foresterie durable.
Après la course, l’équipe Pirelli reprend possession de toutes les roues, retire les jantes qui sont retournées aux écuries et met les pneus usés dans un conteneur. Les pneus sont expédiés aux installations de Pirelli en Angleterre où ils seront recyclés, de la même façon que nous le faisons ici au Québec avec nos pneus de tous les jours en fin de vie.
Toute cette préparation se prolonge dans les paddocks des équipes de course. À chaque occasion qui se présente, les équipes techniques des écuries pratiquent le remplacement des pneus aux puits. Pistolet pneumatique à la main, les techniciens reçoivent la voiture. Zip zip zip zip, zip zip zip zip, et c’est fait. Une impressionnante chorégraphie qui peut faire toute la différence durant l’épreuve.
On comprend que chaque équipe travaille avec exactement les mêmes gammes de pneus. Ainsi, chaque décision concernant la gomme la mieux adaptée aux conditions de course ou le moment où les remplacements doivent se faire pèse dans la balance. Le reste est entre les mains du pilote.
Pirelli brille durant ces épreuves. Son image est placardée partout sur les circuits. La visibilité et la projection d’une image de pneus de haute technologie ont une grande valeur, raison pour laquelle le fabricant italien investit tant en recherche et développement pour conserver sa position de fournisseur unique de pneus pour le Championnat de Formule 1.