Peu importe les domaines d’activités, dans nombre d’entreprises les salaires sont l’un des plus importants postes budgétaires.
Pour pallier la rareté de main-d’œuvre dans le secteur des préposés aux bénéficiaires, laquelle mettait dangereusement en péril le système de santé dans le contexte de la présente pandémie, le gouvernement du Québec a mis en place un programme offrant 25 $ l’heure aux nouveaux postulants.
Malgré l’intention louable des instances concernées, cette incitation aura eu comme effet pervers de créer une pression à la hausse sur les rémunérations de toute une catégorie d’emplois qui demandent des compétences équivalentes, et qui étaient préalablement payées à peu près au même taux.
Ce faisant, le programme à 25 $ l’heure du gouvernement du Québec est devenu à bien des égards le nouveau barème d’un salaire considéré comme décent.
Conséquences pour les carrossiers
Dans le cas spécifique du secteur panquébécois de la carrosserie, au regard de l’épineux contexte de partenariat que l’on connaît et parce que les marges bénéficiaires des ateliers ne cessent de se réduire, il s’avère que les moyens dont disposent les carrossiers pour réagir et suivre cette parade sont quasi inexistants.
La pénurie de main-d’œuvre au sein du secteur de la carrosserie était imminente avant même la pandémie, et la situation engendrée par cette dernière est désormais dramatique.
Pour certains ateliers en particulier, cette pénurie est aggravée par le maraudage, non seulement par des centres de carrosserie concurrents, mais aussi par d’autres secteurs comme la construction, les mines et même la restauration rapide – le salaire minimum à l’embauche chez McDonald s’élève désormais entre 11 $ et 17 $ de l’heure (source).
Augmenter le salaire des nouveaux employés est un risque
Notons qu’augmenter ainsi les taux salariaux offerts aux nouveaux employés, peu importe qu’il s’agisse du secteur public ou privé, entraîne inévitablement un ajustement à la hausse de la rémunération des employés déjà en place, et donc un alourdissement dangereusement significatif de l’une des dépenses majeures de l’entreprise.
La survie du modèle d’affaires
Par la force des choses, si les revenus n’augmentent pas, le modèle d’affaires ne survivra pas compte tenu du fait qu’il ne sera plus possible de réduire les coûts et/ou d’augmenter la « productivité », d’autant que les tâches non productives au sein des ateliers de carrosserie ne font que s’accroître.
L’enjeu ne se définit plus sur le long terme, mais bel et bien dans un avenir qui se rapproche inévitablement : les ateliers de carrosserie ne seront bientôt plus en mesure de répondre ni à la demande ni aux besoins du volume relatif aux réparations des sinistres automobiles.
Le risque tant pour les assureurs que pour les carrossiers
Quels seront les coûts et les investissements requis pour rétablir le secteur par la suite ? Se poser la question c’est un peu y répondre… Certainement plus élevés que de maintenir ouvert un nombre suffisant d’ateliers en leur permettant des revenus décents.
Je parle ici de gains suffisants et nécessaires afin que les carrossiers puissent investir dans les équipements requis pour effectuer correctement les réparations selon les standards qui prévalent désormais, pour assurer la formation continue de leurs employés, et pour leur offrir une rémunération attrayante et concurrentielle face aux autres secteurs de même catégorie, comme celui de la construction.
Puisque les compagnies d’assurances sont le principal donneur d’ouvrage, il nous semble incompréhensible qu’elles cherchent à maintenir des tarifs horaires sur lesquels les carrossiers n’ont pas vraiment de pouvoir de négociations, à un plancher qui met en péril tout le secteur d’activité de la réparation de carrosserie automobile.
Michel Bourbeau est président exécutif de la Corporation des carrossiers professionnels du Québec.