On dit que la cabine de pulvérisation de peinture est le goulot d’étranglement de l’atelier de carrosserie. Comment faire pour le desserrer et rendre son rôle plus fluide?
« Nous voyons encore trop d’erreurs de base », déplore Roger Charron, représentant des ventes pour les équipements chez Les Entrepôts A.B.. « Par exemple, il y a encore des voitures en attente de pièces qui traînent dans l’atelier et qui doivent être déplacées constamment. »
Plus près de la chambre de peinture, M. Charron voit que dans certains cas, elle est utilisée pour la préparation du véhicule. Sabler une voiture ou des pièces dans la même cabine où sera appliquée la peinture n’apparaît assurément pas au sommet de la liste dans le guide des bonnes pratiques.
Autrement, pour M. Charron, la chambre à peinture représente, en effet un point critique dans les opérations d’une carrosserie. Son efficacité optimale doit être au cœur des préoccupations des gestionnaires, puisque pour ainsi dire toutes les voitures et toutes les pièces en réparation vont y passer.
Mesurer pour s’améliorer
« Comment maximiser la chambre à peinture? C’est toute une question. C’est très vaste. Chose certaine, le premier point que je veux apporter est de mesurer ce qu’on y fait pour pouvoir ensuite s’améliorer », lance Rémi Michaud, directeur régional pour le Québec de CARSTAR, qui a commencé sa carrière justement dans les chambres à peinture un pistolet à la main.
« La cabine à peinture, il faut la remplir. Il faut en gonfler la productivité à 45 heures par jour en combinant plusieurs pièces qui peuvent être peintes en même temps. Et si on atteint ce rythme, très payant pour le carrossier en passant, on pourrait considérer allonger les heures de travail, de 6 heures le matin à 6 heures le soir par exemple. »
Et pourquoi pas l’achat d’une seconde chambre, comme le réflexe de certains gestionnaires l’incite? « Commençons par être efficaces avec la première, tranche M. Michaud. La journée doit commencer avec des véhicules et des pièces prêtes à être peints. La préparation est une étape déterminante à ce chapitre. Les jeunes techniciens n’apprécient pas nécessairement ce travail, mais les peintres apprécient encore moins avoir à retravailler ou à retourner un véhicule mal préparé. »
Pour gagner de précieuses minutes, par temps froid, il donne le conseil de préchauffer la cabine pour qu’elle soit prête à opérer dès l’arrivée du peintre.
Justifier l’investissement
En ce qui concerne les technologies de chambre de peinture disponibles, le directeur de CARSTAR se fait cartésien. « Est-ce un gain réel en productivité? L’investissement viendra-t-il améliorer des processus efficaces pour garantir un bon retour sur l’investissement? » Si oui, alors, pourquoi pas? Il montre par exemple une cabine de séchage d’appoint, observée en compagnie de l’auteur de ces lignes lors d’une visite de l’atelier CARSTAR à Saint-Hyacinthe (https://autosphere.ca/fr/carrosserie/2024/05/22/le-projet-de-carstar-saint-hyacinthe-se-concretise/). C’est une façon intéressante de libérer rapidement la cabine pour travailler sur de nouveaux projets.
Autosphere voulait illustrer concrètement cet article en parlant avec un propriétaire de carrosserie efficace. C’est en fait avec trois membres d’une même famille que nous avons eu l’occasion de discuter sur ce sujet : les Raymond de Carrosserie ProColor à Sainte-Sophie.
Alimenter la bête
« Ici, nous ciblons les travaux pour maximiser la chambre à peinture, explique André en compagnie de son garçon David et de sa fille Mylène et de sa conjointe Brigitte. Nous nous parlons matin, midi et soir tout en suivant les tableaux de production et en écoutant les responsables. Nous voulons toujours qu’il y ait des pièces — que nous faisons en grand nombre ici — et des véhicules prêts pour la peinture. » Ici la politique, c’est que le processus soit fluide, aucun véhicule ne recule. « La clé de la réussite, c’est la gestion du plancher », résume David.
L’atelier a mis en place une voie réservée aux petites réparations pour accélérer la production. La préparation et même une partie de la peinture sont faites dans des salles isolées maintenues au plus haut degré de propreté pour éviter les problèmes de finition.
Quand la technologie paie
« Il y a peut-être 30 carrosseries au Québec où une seconde chambre à peinture serait justifiée. Les carrossiers ont accès à des logiciels de gestion qui leur permet d’optimiser l’utilisation de la cabine existante », vient appuyer pour sa part Marc-Olivier Toutant, président de Techno Combustion GMS. « Ce que l’on voit, c’est le remplacement des cabines à peinture vieillissantes par des équipements beaucoup plus efficaces et énergétiques. Par exemple, les nouvelles cabines peuvent offrir un séchage en une heure au lieu de deux pour les vieux équipements, ce qui doublera leur capacité de production du jour au lendemain. »
Il mentionne aussi que la technologie du chauffage et de la cuisson par convection est en ce moment la plus intéressante. L’air extérieur est chauffé et recirculée ce qui, à l’instar d’une cuisinière de même technologie, réduit le temps de cuisson.
« Il y a aussi l’approche à rayonnement infrarouge, intéressant aussi, mais dont il faut mesurer les coûts dans la balance de la profitabilité. » Même jugement sur les systèmes sur rails, impressionnants, mais pas toujours pratiques ou justifiés. M. Toutant est tout aussi tiède à l’idée de peindre dans les salles de préparation. « Il n’y a pas de limite pour l’application d’apprêts, mais il y en a pour la peinture. Ce n’est pas une solution à long terme. »
L’approche holistique
On ne pourrait conclure cet article sur l’efficacité des processus sans donner la parole à Les Pawlowski, directeur général de Symach pour le Canada. Ici, on parle d’une approche globale, de la vue sur une carrosserie comme d’un organisme où chaque organe, dont la cabine à peinture, a un rôle à jouer dans la bonne santé des opérations.
Symach est un fournisseur d’équipement de carrosserie, mais également une entreprise reconnue pour son support en planification. « Notre force et ce qui nous démarque sont l’aménagement de nouveaux locaux ou la conception de rénovations majeures. Cela nous permet d’offrir à nos clients un concept où chaque pied carré de l’atelier peut être optimisé avec le minimum de goulots d’étranglement et de techniciens. Évidemment, ce travail se fait en étroite collaboration avec les gestionnaires de la carrosserie. » Chaque solution découle de l’analyse des données et des objectifs de l’entreprise existante comme en développement.
La solution rêvée
Si nous tournons les projecteurs d’une façon plus spécifique vers les opérations liées à la peinture, M. Pawlowski nous guide vers la solution FixLine, qui est l’illustration d’un monde idéal, dans des conditions idéales. Cette approche, selon Symach, permet de peintre 14 voitures par jour comparativement à 4 voitures dans un système basé sur une chambre à peinture traditionnelle.
Le FixLine repose sur une salle de préparation, combinée à une cabine de peinture prolongée par une chambre de séchage par rayonnement infrarouge. Le passage d’une salle à l’autre se fait par un glissement sur rails alors que les portes de chaque local s’ouvrent et se ferment automatiquement, question de contrôler le mouvement de la poussière.
S’il s’agit du concept dont tous les carrossiers peuvent rêver. Il n’en demeure pas moins qu’il repose sur la constante partagée par nos autres experts, que comme son nom l’indique, la cabine de peinture ne devrait servir en continu qu’à appliquer et, faute d’autres solutions, sécher la peinture.