Les pièces manquantes dans le processus de réparation représentent en ce moment tout un casse-tête pour nos ateliers. Comment en réduire l’impact négatif ?
C’est la question que nous avons posée à un florilège de spécialistes bien au fait de la situation.
« Nos ateliers vivent une situation qui est lourde sur leurs opérations et leur fonds de roulement, tranche d’entrée de jeu Mathieu Simard, directeur des opérations pour le Réseau Fix. En ce qui concerne la situation des pièces en attente, je recommande aux ateliers de ne commander que lorsque toutes les pièces nécessaires à la réparation sont disponibles. Même s’il ne manque qu’une pièce, ne commandez rien », souligne-t-il. Il concède que c’est un risque à prendre, puisque par la suite d’autres pièces peuvent être manquantes, mais précise que les ateliers qui procèdent ainsi ne le regrettent pas et allègent le poids sur leurs finances.
« Il faut éviter de sortir et de rentrer les véhicules en cour de réparation, reprend-il. Qui plus est, avoir des voitures qu’on ne peut réparer faute de pièces encombre terriblement l’atelier et le stationnement, sans parler des risques de vols et de dommages sur des voitures qui peuvent être entreposés longtemps. »
Selon lui, cette rupture dans l’approvisionnement risque de se prolonger encore quelques années. Remettre temporairement les véhicules carrossables sur la route représente une partie de la solution. En ce qui concerne les véhicules qui ne peuvent rouler de façon sécuritaire, l’enjeu reste total.
Gérer le temps et l’espace
Rémi Michaud, gestionnaire régional des opérations pour la zone Québec de CARSTAR, constate que cette situation met beaucoup de pression sur les carrossiers. « On trouve des ateliers qui doivent louer des stationnements pour loger les non carrossables en attendant les pièces. Il y a une limite à l’espace disponible pour ce genre d’entreposage, sans parler des voitures de courtoisie. »
Nos experts recommandent un démontage complet des véhicules et une analyse des systèmes (scan) avant de les inclure dans le calendrier de réparation afin de réduire l’encombrement et les déplacements inutiles si des pièces sont en attente ou des services extérieurs de calibrations nécessaires. M. Michaud conseille aussi aux carrossiers d’entretenir la communication avec les assureurs dans ce contexte où les cas d’exception se multiplient. « On doit s’entendre sur la voiture de courtoisie pour des périodes plus longues que prévu ou encore s’informer s’il est possible d’obtenir le paiement complet avant la fin des travaux. Cependant, le message ne passe pas toujours. »
Nouveaux partenariats
Anouar Bélgance de Norton Saint-Gobin indique pour sa part que la situation impose d’élargir les partenariats avec les fournisseurs de pièces. Il recommande de commander plusieurs exemplaires des pièces couramment utilisées dans l’atelier, sachant toutefois que cela pèse lourd sur les finances. « On peut aussi regarder du côté des recycleurs pour remédier à la pénurie, quand cela est possible. Chose certaine, on voit que certains ateliers refusent les grosses réparations sachant que les délais vont gruger la marge bénéficiaire. Les assureurs ont besoin des ateliers et doivent les aider en payant l’entreposage ou la voiture de courtoisie, par exemple. »
Domenic Prochilo, vice-président de Simplicity Soins d’Auto, propose pour sa part différentes stratégies pour réduire les problèmes découlant des pièces en attente. « Il est possible de réduire l’impact de la pénurie de pièces en misant davantage sur la réparation que le remplacement, précise-t-il. Pousser la réparation des pièces, quand possible, lors de l’estimation ajoute de la valeur au travail dans l’atelier et peut nettement accélérer le processus puisqu’on élimine le temps d’attente de pièces non disponibles. Pour le client, de savoir que son véhicule va conserver ses pièces d’origine est aussi un élément positif. »
Évidemment, M. Prochilo est conscient qu’on ne peut réparer toutes les pièces. « Une route alternative pour contourner le problème des pièces manquantes est d’utiliser les pièces recyclées. Plusieurs panneaux, par exemple, peuvent être trouvés dans la région et être rapidement commandés, directement de l’inventaire numérique des recycleurs. C’est une façon de sauver du temps. »
La question à un million $
Pour John Cox, directeur des services Acoat au Canada chez AkzoNobel, la question des pièces manquantes en est une à un million de dollars. « Nous recommandons aux ateliers de bien planifier les travaux. Un démontage complet, dès le début du processus de réparation, permettra de voir 100 % des pièces à commander. Si la voiture est carrossable et sécuritaire, la remettre au client et lui donner rendez-vous lorsque toutes les pièces seront livrées. Il faut éviter de rendez-vous tant que toutes les pièces ne sont pas arrivées. »
Il ajoute que l’atelier devrait prévoir un coussin de 15 à 25 % de sa capacité de production pour absorber les cas où, en cours de réparation, on réalise que des pièces devront être commandées et possiblement, livrées en retard. De plus, cette marge permet d’absorber les volumes supplémentaires quand les pièces attendues sont finalement livrées.
M. Cox mentionne qu’un outil comme le tableau Carbeat permet d’établir un historique des véhicules réparés par constructeurs et modèles dans l’atelier et mesurer les temps d’attente respectifs. « Par exemple si un modèle demande 12 jours d’attente comparativement à trois jours pour un autre, l’atelier a intérêt à accepter plus de réparations pour le second modèle. »
Donald Hall, directeur des opérations pour CSN Collision en Alberta et en Saskatchewan mentionne qu’il est déjà difficile pour les ateliers de répondre aux indices de performance des assureurs en période normale alors facile de comprendre la situation en ce moment.
« Il faut tout d’abord gérer les attentes des clients, mentionne-t-il. On doit l’informer régulièrement de la progression des travaux pour le rassurer. »
Comme ses collègues, il préconise un démontage complet du véhicule lors de l’estimation pour éviter les suppléments et l’obligation de commander des pièces à la dernière minute. Des réparations temporaires peuvent être faites sur les voitures carrossables et remises au client dans l’attente des pièces.
À l’instar de M. Prochilo, M. Hall mentionne qu’il est stratégique d’informer l’assureur et de charger des heures pour réparer le plus de pièces possible. « Ça peut coûter plus cher sur le coup, mais on gagne sur le temps de location d’un véhicule de courtoisie. » Même chose pour la sélection de pièces plus dispendieuses, mais disponibles sur-le-champ.
M. Hall revient sur l’importance de s’assurer de commander la bonne pièce et d’avoir un temps de livraison clair de la part du fournisseur, question de planifier les travaux et d’informer le client le cas échéant. Finalement, le département des pièces devrait aviser la production immédiatement lorsqu’une pièce attendue est livrée afin d’entreprendre les travaux.