Les automobilistes ne veulent plus gérer leurs roues de remplacement. Les centres qui offrent le service d’entreposage savent en tirer parti.
Commençons par deux faits.
Le premier est que les consommateurs sont de plus en plus nombreux à laisser aux centres de pneu le soin d’entreposer leur ensemble de pneus pour la prochaine saison.
L’autre réalité, c’est qu’il est difficile de faire de ce service un poste de profit.
Ceci étant dit, une bonne gestion de l’inventaire de ces milliers de pneus qui sont confiés à ces commerçants peut réduire les coûts et aussi rendre plus efficace la communication avec le client.
Pour ouvrir le bal, nous avons parlé à plusieurs gestionnaires de centre de pneus de la problématique des pneus non réclamés.
On parle ici de ces pneus orphelins abandonnés par leurs propriétaires déménagés, ayant changé de voiture ou, plus tristement, décédés entre les saisons.
Selon la rigueur appliquée par le centre de pneus, ces abandonnés ne sont pas fréquents.
Mais certains gestionnaires qui n’ont pas de système de suivi de l’inventaire des pneus de leurs clients risquent d’avoir à leur charge, parfois sans s’en douter, des pneus oubliés depuis des années.
« Une bonne idée, venue d’un de nos employés, est de changer de code de couleur sur les pneus des clients chaque année, illustre Alain Roy, vice-président de Charles Turcotte, pneu, mécanique, esthétique, à Trois-Rivières. En un seul coup d’œil, on peut voir ce qui traîne dans l’entrepôt. »
Mais les pneus laissés par les clients sont systématiquement inventoriés depuis trois ans, ce qui a permis de faire un grand ménage et d’identifier rapidement les orphelins.
Un service facturé
Les trois gestionnaires avec lesquels nous avons parlé pour cet article chargent des frais pour l’entreposage des pneus.
Il faut dire que si à l’origine une partie minime des clients demandaient ce service, ils sont maintenant presque majoritaires à y avoir recours.
Le centre de pneu doit trouver l’espace, mettre en place un système d’inventaire, attribuer des ressources humaines à la manipulation et assurer le tout. Normal alors que le client soit facturé.
Mais, de l’avis de tous, ces frais d’entreposage n’en font pas un poste de profit pour autant, mais couvrent une partie des coûts.
Copropriétaire du Groupe Potvin qui compte cinq succursales au Saguenay Lac-Saint-Jean, Marie-Ève Gagnon résume la politique maison concernant les pneus abandonnés dans ses entrepôts.
« Il faut les suivre, car nous gardons pour nos clients entre 3000 et 4000 pneus par place d’affaires. Nous prenons systématiquement contact avec les clients dont nous entreposons les pneus un mois avant le début de la saison. Si nous sommes sans réponse d’eux après deux ans d’essais, nous revendons les pneus et jantes ou envoyons les pneus au recyclage, s’ils sont trop vieux. »
Comme Mme Gagnon l’explique, les roues abandonnées sont plutôt rares et concernent souvent des pneus de faible valeur.
Au lieu de payer les frais d’entreposage, les clients les abandonnent s’ils ont changé de voiture ou d’adresse.
Commander d’avance
Nos trois gestionnaires expliquent que la condition du pneu ainsi que sa marque et ses dimensions sont notées systématiquement dans l’inventaire des pneus entreposés.
Cette démarche s’avère aussi importante pour établir la couverture d’assurance nécessaire à protéger ces biens dont la valeur cumulative grimpe rapidement.
Si, dès la dépose, le niveau d’usure indique que le temps du remplacement est venu, le client sera avisé directement au comptoir.
Il peut prendre la décision d’acheter immédiatement de nouveaux pneus ou demander qu’on le relance avant la prochaine saison.
Cette information est notée dans le dossier.
« Notre système informatique nous permet de recevoir des rappels ciblés, explique Donald Tremblay, président d’OK Pneus St-David à Lévis.
« Nous savons, parmi les clients qui nous laissent leurs pneus, lesquels doivent en acheter de nouveaux. Évidemment, nous préférons qu’ils achètent leurs pneus de remplacement dès le diagnostic, ce qui nous garantit qu’ils n’iront pas magasiner ailleurs entre les saisons. L’avantage pour eux est aussi d’avoir plus de chance d’obtenir exactement ce qu’ils souhaitent.
« Chose certaine, c’est important pour nous aussi d’avoir les pneus d’avance, ça nous permet de les monter sur les jantes des clients durant la période tranquille. »
Le client sera contacté par téléphone ou, nouvelles technologies obligent, par texto, selon sa préférence.
Un traitement VIP
Ceci étant dit, les clients qui confient leurs pneus à leurs garagistes figurent sur une liste VIP, pour ainsi dire.
« Nous donnons à nos clients réguliers qui font entreposer leurs pneus le premier choix pour la prise de rendez-vous, reprend Alain Roy de Trois-Rivières.
« Puisque nous sommes dans un contexte de rareté de main-d’œuvre et que l’installation des pneus est de plus en plus complexe et demande plus de temps, nous devons être sélectifs et nos clients le comprennent.
« Nous travaillons le plus en amont possible. Nos retraités, par exemple, sont les premiers sur la liste pour la prise de rendez-vous. Ils roulent moins avec leur voiture et ne voient pas d’inconvénient à devancer leur rendez-vous. »
Chez nos trois spécialistes, la liste des clients est liée à un logiciel qui permet d’en tirer des alertes programmables.
On peut ainsi isoler les gens qui n’ont pas réclamé leurs pneus depuis deux saisons ou prendre rendez-vous avec un client à une date entendue et notée dans sa fiche.
Avec cette tendance où les automobilistes gèrent deux ensembles de pneus montés sur jante, offrir le service d’entreposage s’impose.
Selon nos intervenants, entre 40 et 60 % des pneus des clients réguliers sont maintenant sous leur garde.
Profitant de l’accalmie et souhaitant être en mesure de mieux contrôler ces inventaires Marie-Ève Gagnon a complètement refait le système de gestion d’entreposage de son groupe.
« Maintenant ça nous prend deux minutes pour localiser un pneu. On sauve ainsi du temps pour le client », explique-t-elle en ajoutant que l’entrepôt lui-même a été pensé de façon ergonomique, avec les roues les plus lourdes dans le bas du rangement.
Si elle avoue que les frais chargés pour l’entreposage ne lui font pas faire de profits, elle y voit néanmoins un outil de rétention très efficace. Donald Tremblay abonde dans le même sens.
« Gérer les pneus c’est aussi avoir un client qui vient nous voir deux fois par année et auquel on peut offrir nos services d’entretien mécanique. Nous offrons de notre côté le service de remise à neuf des jantes par le biais d’une entreprise sœur. On peut ainsi ajouter de la valeur à notre service d’entreposage, peu rentable par lui-même. »