C’est bien de vouloir des véhicules électriques, mais avez-vous pensé aux bornes de recharge ?
Les gestionnaires de parc doivent explorer diverses formules potentielles dans le but d’obtenir les meilleurs résultats : planification de la recharge des véhicules à la base, chez le client ou encore chez l’employé. Il est aussi possible d’avoir recours à un service clé en main offert par les firmes spécialisées.
Où les mettre, lesquelles choisir ?
La recharge des véhicules électriques à la base est la meilleure option pour contrôler les dépenses en carburant électrique, estime Chelsea Feast, gestionnaire de projet chez Holman.
« Les bornes de recharge publiques ne sont pas toujours fiables et elles sont plus chères. Notre recommandation est de se concentrer autant que possible sur la recharge à la base, là où les véhicules passent la nuit. C’est la clé pour garantir que les véhicules auront la charge dont ils ont besoin pour fonctionner le lendemain. Donc, prioriser l’endroit où les véhicules dorment. »
Il faut aussi analyser son mode opérationnel et réfléchir à l’ensemble de la structure requise pour avoir des VÉ sur un horizon de 10, 15 ou même 20 ans.
Roger Constantin, consultant expert et professeur à l’ÉTS, estime « qu’une foule de différents calculs seront requis pour déterminer combien de batteries sont à recharger et en combien de temps. Et les questions suivantes doivent faire partie de cette analyse : aurons-nous besoin d’une borne avec un simple ou un double branchement ? Est-ce que le réseau d’Hydro-Québec permet d’installer ces bornes-là ? »
Dimensionner correctement l’infrastructure de recharge nécessite un audit des opérations et plusieurs questionnements, explique Sylvain Cabanetos, chargé de compte chez Cléo, une filiale d’Hydro-Québec qui accompagne les opérateurs dans cette transition vers l’électrification.
« En fait, c’est plus complexe que ce qu’on pense. Chez Cléo, on commence par les opérations du client. Par exemple, si la fiche technique du manufacturier indique que ses bornes rechargent le véhicule en 90 minutes, la question à se poser est si les opérations nécessitent que le véhicule soit chargé en 90 minutes. Plus la charge est rapide, plus la borne est dispendieuse. C’est donc important de dimensionner son infrastructure très tôt dans le processus. »
Ensuite viennent les questions : Qu’est-ce que je fais avec ces véhicules-là, à quelle heure ils partent, à quelle heure ils reviennent, est-ce qu’ils retournent à la base ? Combien de kilométrage font-ils ? Quelle est la typologie du terrain, y a-t-il des montées, des descentes ? Est-ce que le VÉ circule en ville ou sur l’autoroute ? Comment s’assurer que les choix effectués aujourd’hui n’auront pas d’impact négatif sur la planification dans trois à cinq ans ? Quel type de véhicules utiliserons-nous dans cinq ans ?
Guillaume Poudrier, président de Géothenic, rappelle que la priorité est de « s’assurer que tout le monde n’a pas besoin de recharger en même temps. L’objectif est de ne pas créer d’insatisfaction, d’allonger le temps d’attente ou de perdre en productivité parce que les gens attendent une place à la borne de recharge. »
Pour y arriver, les experts recommandent que les bornes de recharge soient installées dans des endroits optimaux, en lien avec les opérations de la compagnie et en quantité suffisante. Un monitorage constant de la charge et de l’utilisation des véhicules permettent d’assurer que les véhicules sont bien chargés et bien utilisés. Il faut connaître la fréquence de chargement optimale pour pouvoir planifier et choisir la bonne borne.
La recharge à la maison
Les compagnies qui planifient d’installer des bornes de recharge chez leurs employés doivent faire le tour de la question avant de procéder, estiment les experts.
Qu’arrive-t-il si l’employé quitte son poste ? Comment calculer le remboursement pour l’énergie consommée ? Est-ce que le lieu de résidence de l’employé — appartement, condo, maison — peut accueillir la borne ? Sont-ils locataires ou propriétaires ?
La spécialiste chez Holman, Chelsea Feast, recommande de procéder à une enquête de préqualification pour s’assurer que leurs utilisateurs peuvent prendre en charge le branchement à domicile.
« Si un employé n’est pas en mesure d’installer une borne à son domicile alors qu’il garde son véhicule pendant la nuit, nous conseillons de choisir un conducteur différent lors des premières phases de la transition. »
Ses bornes partagées chez le client
Les experts sont unanimes : il faut donc créer une façon de partager les bornes et développer une vision d’intégration.
« La mutualisation est forcément quelque chose d’intéressant, estime Guillaume Poudrier. Certaines compagnies font affaire avec de tierces parties pour leur livraison. Ces entreprises installent des infrastructures de recharge pour que les compagnies qui viennent faire des livraisons puissent se recharger sur leur propre dépôt. Ça, c’est une première possibilité. »
La deuxième possibilité est de créer un pôle urbain permettant d’avoir accès à des bornes mutualisées pour différents locataires qui se spécialisent dans la livraison du dernier kilomètre pour limiter les émissions de gaz à effet de serre.
Ce genre d’infrastructure existe à Montréal ; Colibri Iberville est un pôle de livraison urbaine écologique sur la rue du même nom.
Confier la planification des bornes à firme spécialisée ?
Les experts, encore une fois, sont d’accord. « Ça prend des gens qui connaissent ça, du moins pour faire le plan, estime Roger Constantin. Je conseille fortement aux entreprises de commencer par faire un premier tour de roue avec des firmes spécialisées. »
Sylvain Cabanetos rappelle que les grosses compagnies sont mieux équipées pour mener un tel projet à l’interne grâce à une planification et à des gestionnaires de projets au fait des enjeux des ingénieurs électriques.
« Étant donné la multitude d’enjeux nouveaux à considérer, il peut être intéressant de travailler avec un partenaire pour accélérer cette transition. Cependant une fois que le client aura vu la recette, il sera mieux équipé pour poursuivre la transition électrique lui-même. Pour que le premier déploiement soit une réussite, nous conseillons de commencer par un projet pilote. »
Si une entreprise prévoit opérer avec 100 VÉ au cours des cinq prochaines années, elle doit tenir compte de ces paramètres dès le début du projet et configurer l’installation des bornes de recharge en conséquence, recommande finalement Chelsea Feast.