Quand la rouille défie le temps : anatomie de la restauration de voitures anciennes

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(de ga. à dr.) : Michel Bérard, Guy Haché, André Fitzback, Jean-Benoît Taillon et Dominic Ruel (absente sur la photo : Frédérike Haché, directrice générale) Source : Isabelle Havasy

Dans son atelier de Sainte-Madeleine, sur la Rive-Sud de Montréal, André Fitzback donne un second souffle à des bolides d’un autre temps. Quand il a quitté le monde des chariots élévateurs pour retaper des voitures anciennes il y a presque vingt ans, il croyait se simplifier la vie. Il a vite compris que restaurer des véhicules classiques exige une patience monastique et une débrouillardise à toute épreuve. 

L’atelier d’André Fitzback accueille parfois de véritables petits bijoux, telle cette Cadillac Eldorado Brougham, une voiture fabriquée à la main en 1957 et 1958 et produite en seulement 704 exemplaires. Source : Isabelle Havasy

Ces vestiges d’une époque révolue abritent parfois un champ de bataille invisible à l’œil nu. Lorsqu’un client songe à acheter un nouveau joujou et qu’il se préoccupe de l’état du moteur, M. Fitzback lui fait remarquer qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter. « C’est rendu au point où un moteur, ça coûte moins cher que de refaire une carrosserie. » Et le risque d’avoir de mauvaises surprises n’est aucunement comparable. « Un moteur, c’est prévisible », même si l’entretien a été négligé. Par contre, la rouille, c’est une autre histoire… 

« C’est un des plus gros défis des vieux chars. On sait quand on commence, mais on ne sait jamais quand on va finir. C’est pour ça que la majorité des ateliers ne veulent pas se lancer dans ce genre de projet. » Bien qu’il connaisse les rudiments du métier, M. Fitzback délègue le laborieux travail de carrosserie à un spécialiste « qui mange de la rouille dans ses céréales ». Au garage, « on prépare le véhicule. Des fois, on soude nous-mêmes. On peut boucher les trous, mettre ça bien droit, puis lui, il prend le relais pour faire le reste. » 

Le manque d’espace, mais surtout la réglementation municipale de l’emplacement où il a établi son nouveau quartier général il y a trois ans, ont rendu indispensable le recours à un sous-traitant extérieur. « Les ateliers de carrosserie sont soumis à des règles encore plus strictes que les garages de mécanique à cause des vapeurs de produits chimiques. Et l’aspect “voitures anciennes” ajoute une couche de complexité. »

Les patients qui visitent l’antre de Sainte-Madeleine doivent avoir au minimum 40 ans. L’évolution des véhicules des années 1950 à aujourd’hui, a de quoi laisser bouche bée, explique M. Fitzback. « À part le pare-brise transparent, les quatre roues qui touchent le sol, puis le volant à gauche, il n’y a plus rien de pareil. Il faut admettre que l’ergonomie, le rapport poids-puissance et la longévité se sont grandement améliorés. Mais il ne faut pas se leurrer. On les aime bien les vieux chars, mais ils ne tofferaient pas longtemps. »

Durée de vie limitée

Le mécano rappelle que dans les années 1950, « les véhicules étaient conçus pour durer trois ans ». Ils débarquaient ensuite sur le marché secondaire, rafistolés la plupart du temps, à la va-vite pour en masquer les défauts (broche à poule dans les bas de caisse, papier journal sous le mastic). Mais rapidement, « la rouille finissait par arriver. C’était inévitable », déplore M. Fitzback. Les pires spécimens qu’il a croisés au cours de sa carrière sont ceux qui ont croupi longtemps sur l’herbe. « Le gazon provoque une rouille destructrice. Sur le ciment ou l’asphalte, elle est relativement bien contrôlée. »

Insidieuse, la corrosion se tapit sournoisement, un peu partout. Sur et sous le carénage, sous les moulures, à l’intérieur des portières, dans les gorges de vitres. Dans bien des cas, des réparations mal faites au fil du temps ont aggravé la situation. Résultat : infiltration d’eau, bas de porte pourris, cartons détrempés, panneaux gondolés. M. Fitzback en a vu des carrosseries rutilantes maquillées. « Dans le temps, pour changer la couleur de la peinture ou enlever la rouille, ils masquaient au lieu de démonter. » Une solution rapide, bâclée, mais adaptée à la courte espérance de vie des véhicules d’alors. 

Toutefois, au garage Fitzback on rejette catégoriquement cette méthode d’une autre époque. Pas de rubans-cache, pas de demi-mesures. Pour faire une belle job, il faut démonter. Tout démonter – pare-brise, moulures, poignées, cadrage, panneaux – pour éliminer la corrosion à la source. Sinon, le travail sera à recommencer dans quelques années.

Avant de souder, il faut enlever toute trace de cette substance ennemie et envahissante. « Le moindrement qu’on voit de la rouille, ça peut déraper », met en garde M. Fitzback. « Il faut gratter, creuser jusqu’à ce qu’on retrouve l’épaisseur d’origine de la pièce qui a disparu. » Parfois, il faut aller loin, très loin… « C’est ça qui fait que c’est long », et qui, de facto, fait gonfler la note. À mille dollars la journée, un séjour dans les ateliers de la municipalité maskoutaine peut rapidement éroder un budget. 

Et les décapotables ? Les pires, aux dires du proprio. « La plupart du temps, les véhicules vieillissent mal. Les gens ne réparaient pas le toit qui fuyait. Ils mettaient du tape », avec pour conséquence des structures et garnitures arrière ravagées par un nombre considérable d’averses. L’eau s’infiltre, laisse sa marque dans les sièges, les planchers et les renforts.

Les ravages de l’eau

Les dommages causés par l’eau se font sentir jusque dans les enjoliveurs, une autre bête noire ! Fabriqués en deux pièces – une mince pellicule chromée pressée sur une base en acier – les fameux « dog dish » des années 1940 et 1950 se corrodent de l’intérieur. L’humidité s’immisce entre les deux couches non scellées. La rouille s’installe, gonfle jusqu’à fissurer la surface. 

« Ça coûte une fortune à rénover ! Pour réparer un petit cap de roue comme ça, on est dans les 500 à 600 piastres », explique M. Fitzback. Un travail méticuleux qui requiert beaucoup de manipulation. Le hic c’est qu’il est pratiquement impensable d’en restaurer qu’un seul. Bien qu’ils semblent intacts en apparence, les autres sont condamnés à subir le même sort. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils ne se fendent à leur tour. 

Si les grosses tâches de carrosserie sont exécutées à l’extérieur de l’enceinte du garage, celles liées à la mécanique (moteurs, transmissions, diagnostics électriques et freins) sont réalisées sur place. On y fait également de l’esthétique automobile, avec Guy Haché, le bras droit de M. Fitzback, aux commandes. Éclats de pierre et éraflures ne peuvent résister à ses doigts de fée. « Il ramène les peintures belles en maudit ! ». 

La mise en beauté s’invite aussi sous le capot. « On repeint le moteur comme il était à l’origine, avec tous les petits détails. On fait les ailes, le fond. On envoie au zincage tout ce qui n’était pas peint. » Ce procédé abordable protège le métal contre la rouille. Il redonne aux pièces ternies par les années leur éclat d’antan. Le résultat est souvent spectaculaire. Une pièce « très, très fatiguée visuellement parlant », revient si transformée de son traitement que « tu as de la misère à croire que c’est le même vieux morceau que tu as envoyé ! ». 

Au garage Fitzback, chaque voiture raconte une histoire que le temps avait presque effacée. C’est avec minutie que chacun s’attelle à recoller les fragments de ces casse-têtes patinés par les décennies. Ils bichonnent ces monuments mécaniques avec la rigueur d’un chirurgien et l’humilité d’un artisan qui sait que la perfection se cache souvent sous plusieurs couches de poussière, de peinture… et de patience. Car entre la rouille qui ronge en silence et les caprices des matériaux d’une autre époque, les défis sont nombreux.

Pas question de tricher ou de maquiller les blessures du passé. Ici, on restaure avec respect, avec méthode. Dans un monde qui carbure à la vitesse, cet atelier fait figure d’exception. Un lieu où l’on prend le temps de bien faire les choses, pour offrir à ces icônes d’acier une seconde vie, digne de leur premier tour de piste.

Catégories : Carrosserie, Éditorial
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