Malgré leur horaire chargé, les ateliers de mécanique trouvent le temps de prendre du recul et d’élaborer des idées novatrices pour faire évoluer leurs services et fidéliser leur clientèle.
Ce n’est pas un concours d’originalité. Certains gestionnaires d’ateliers ont cette précieuse faculté de se mettre dans la peau de leurs clients et de trouver le geste ou le service qui fera toute la différence dans leurs relations.
Quand Daniel Belisle a acheté son atelier sur la rue Papineau à Montréal avec son père, il y a 25 ans, l’entreprise souffrait d’une piètre réputation. Pour rapidement changer la perception des gens du quartier envers son garage, il a arpenté les rues et installé des essuie-glaces neufs sur les voitures qui en avaient besoin, en y glissant sa carte d’affaires. Un petit investissement qui a rapporté gros.
Pour lui, c’était une manière de marquer son entrée dans le quartier. « Le reste, c’est une histoire de proximité », explique M. Belisle. « Mon atelier se trouve dans le quartier où j’habite, c’est un double avantage. D’une part, je sais ce que les gens conduisent et je peux adapter mon offre en conséquence. D’autre part, les gens me connaissent. Le gars de l’épicerie me voit toutes les semaines, et quand il a besoin d’entretien pour sa voiture, il vient chez moi, tout naturellement. »

S’adapter à la réalité du marché
Dans un secteur à forte densité où la circulation est souvent difficile, les clients demandent rarement une voiture de courtoisie. « Ce qu’ils aiment, c’est d’être raccompagnés à la maison ou au travail », explique le garagiste de la bannière Bumper to Bumper Auto Service. « Et mon propre père se charge de cette mission. »
L’innovation dans les services offerts découle directement de l’observation des habitudes de ses clients. « Plusieurs de nos clients n’utilisent leur véhicule que le weekend », constate-t-il. « Il arrive donc que je réponde à l’appel d’un bon client un dimanche pour réparer une crevaison ou pour me rendre à sa voiture, souvent à pied puisque c’est plus rapide, pour survolter sa batterie avec mon appareil portable. »
On comprend pourquoi les clients de l’atelier de M. Belisle lui sont fidèles. À l’attention de nos lecteurs, mentionnons que l’entrepreneur a passé ses six premiers mois d’exploitation à développer sa clientèle tout en écartant les « chicaneux », courtoisement orientés vers d’autres garages.
Le garagiste reste à l’affût de l’évolution des besoins de ses clients alors que les voitures partagées commencent à s’implanter dans un quartier où la possession d’une automobile individuelle perd de son intérêt.

Prévoir l’électrique
« Pour l’électrique, j’avoue, j’étais prêt. C’est une tendance forte dans mon marché et cela fait longtemps que je possède ma propre voiture électrique », explique M. Belisle. « Je la branche à la borne devant l’atelier, le message est clair pour les habitués comme pour les passants. Nous avons même élaboré un menu spécifique à cette nouvelle clientèle, qui rappelle à nos clients les entretiens recommandés sur leurs véhicules électriques et hybrides. Pour grandir, nous devons nous spécialiser. Ici, nous nous spécialisons dans les marques de voitures que nos voisins conduisent », conclut-il avec humour.
Autant l’atelier Bumper to Bumper sur Papineau est visible pour tous les automobilistes se dirigeant vers le pont Jacques-Cartier, autant celui de Gilles Perreault à Longueuil est dissimulé au cœur d’un quartier résidentiel. Depuis 1988, M. Perreault a tissé des liens étroits entre sa famille, son entreprise et sa clientèle.
« Évidemment, notre atelier a une approche familiale. Nous préparons d’ailleurs notre relève en ce moment avec notre fils et notre neveu », témoigne la conjointe de M. Perreault, Johanne Harvey. « Nous avons mené plusieurs initiatives au fil des années pour nous faire connaître et fidéliser nos clients », explique Mme Harvey. Par exemple, nous collaborons avec une école pour accueillir des décrocheurs potentiels comme stagiaires. C’est pour leur montrer notre industrie et ce qui les attend s’ils complètent leurs études. »

Prise en charge du commercial
Les services offerts ont également évolué. L’entreprise s’occupe de l’entretien de flottes de véhicules commerciaux, allant même jusqu’à prendre en charge les visites chez les mandataires de la SAAQ pour les inspections. « Nous informons ensuite le client des travaux à réaliser et, le cas échéant, nous les effectuons. »
Ici aussi, le virage électrique s’est opéré. « En offrant l’entretien des véhicules électriques, nous ne perdons pas les clients qui ont fait la transition, et nous rassurons tous les autres sur nos capacités techniques », résume Mme Harvey.
La nouvelle génération de clients, avec ses besoins et ses attentes particulières, prend progressivement le relais, mais l’atelier a toujours su se préoccuper des personnes vieillissantes ou à mobilité réduite. « Il arrive que mon fils parte avec la camionnette récupérer des roues chez un retraité pour venir les installer au garage », explique Mme Harvey.
Il arrive également qu’un vacancier en Floride ou au Mexique passe un appel d’urgence à l’atelier pour obtenir des conseils à distance sur un voyant qui vient d’apparaître dans le tableau de bord de son VR. « Oui, j’avoue, certains de nos bons clients ont nos numéros de cellulaire personnels », admet la gestionnaire.
Suivre les nouvelles habitudes des consommateurs, c’est aussi se montrer flexible sur les interactions commerciales. Ici, comme dans une poignée d’ateliers de proximité, le client laisse les clés dans une boîte, demande aux responsables d’effectuer le travail nécessaire pour mettre son véhicule en condition, et vient le récupérer à sa convenance, tard le soir, après avoir autorisé et payé les travaux par texto et transfert, sans qu’un mot ne soit échangé.
Un coup de circuit
Nous avons été fortement encouragés à parler à Lynda Cayouette, copropriétaire de Mécanique Auto D.R., sous la bannière AUTOPRO à Saint-Étienne-de-Lauzon, pour conclure cet article sur les services et petits gestes d’appréciation que des ateliers multiplient pour se démarquer. Mme Cayouette a rejoint l’entreprise de son conjoint en 2018 et y a tout de suite insufflé une approche originale.
Saviez-vous que l’atelier offre des cours d’une matinée sur les rudiments de la mécanique automobile, une formation destinée aux nouveaux conducteurs, souvent les enfants de ses clients ? « C’est un gros succès, confirme Mme Cayouette. Nous voulions expliquer aux nouveaux automobilistes le fonctionnement des principaux systèmes de leurs voitures. Nous mettons l’accent sur l’importance de l’entretien préventif et de la sécurité du véhicule. » Un tel succès que des écoles secondaires et des groupes de femmes ont demandé à profiter de ces précieuses bases en mécanique. Le tout est gratuit, mais il est facile de comprendre qu’il s’agit d’une formule gagnante pour attirer et fidéliser la clientèle.
Plusieurs petits gestes viennent appuyer cette idée. Les journées de fête sont soulignées par de petits chocolats. Le calcium et la saleté de saison qui maculent les vitres sont chassés par un bon rinçage. Et le café est frais et gratuit. Dans la salle d’attente, les petits enfants ont droit à un casse-tête aux couleurs de l’atelier, qu’ils peuvent rapporter à la maison comme autant de cartes de visite.
« Je me mets à la place du client, qui arrive rarement de bonne humeur à l’atelier, sachant qu’un bon entretien a son prix. Si nous pouvons, tous dans notre équipe, poser de petits gestes qui les font sourire, notre mission est réussie. »