Planifier les travaux dans l’atelier en considérant l’importance des réparations est une stratégie qui favorise un flux plus efficace et une plus grande profitabilité.
Les ateliers de carrosserie au Québec tendent encore à avoir des vendredis chargés, occupés à livrer le maximum de voitures à leurs clients avant le week-end. Une pratique qui met beaucoup de pression sur des postes stratégiques alors que d’autres départements voient leur productivité décliner.
Rémi Michaud, gestionnaire régional des opérations pour la zone Québec de CARSTAR observe encore trop souvent ce phénomène. « L’atelier devrait livrer régulièrement des véhicules toute la semaine et non pas créer des bouchons vers la fin de la semaine. Qui plus est, si on vide l’atelier le vendredi, le peintre n’aura pas de travail en début de semaine. Bref, il faut une analyse claire des capacités de production de l’atelier et catégoriser les travaux selon leur gravité pour idéalement occuper l’équipe au maximum des heures qu’elle peut livrer. »
M. Michaud ajoute que l’atelier devrait ainsi savoir combien de réparations il est en mesure d’accepter, selon leur gravité. « Ce qui est l’idéal, c’est une salle consacrée exclusivement au démontage du véhicule avant son entrée dans l’atelier. En sachant la nature et l’importance des dommages, l’estimateur ou le technicien d’expérience pourra glisser les travaux dans la grille de production. Il pourra combler l’horaire avec des travaux plus légers et se garder une marge de manœuvre pour les imprévus. »
Faire progresser l’équipe
Selon cet expert, établir la gravité des travaux c’est aussi un levier efficace pour faire progresser les techniciens dans l’entreprise, leur confiant graduellement des tâches plus complexes.
En ce sens, M. Michaud rejoint son collègue Mathieu Simard, directeur des opérations pour le Réseau Fix. « Bien comprendre la gravité des réparations par une estimation complète permet en effet de répartir le travail non seulement selon les postes, mais selon l’expérience des techniciens. L’analyse doit graviter autour de la chambre à peinture, où vont passer tous les véhicules en réparation, pour en maximiser les heures. »
Dans un monde idéal, M. Simard voit aussi un local exclusivement consacré au démontage pour analyse des dommages. Des baies de service pourraient ensuite être catégorisées selon la gravité des réparations. « Ce concept peut reposer sur une compréhension des pourcentages de véhicules légèrement, moyennement ou lourdement endommagés, précise-t-il. Ces statistiques de l’atelier lui permettraient d’attribuer le bon nombre de baies à chaque type de travaux. On pourrait aussi prévoir un endroit dédié aux calibrations par exemple. Nous voyons souvent des ateliers encombrés par des véhicules en processus de réparation qui attendent l’accès à des équipements déjà occupés. C’est facile à dire, mais les gestionnaires d’ateliers doivent prendre un pas de recul, compiler les chiffres, et mieux répartir le travail. L’objectif est d’entrer et de livrer des véhicules tous les jours. »
Un atelier structuré
Anouar Bélganche de Norton Saint-Gobain est un fin analyste des processus de réparation en carrosserie. Lui aussi adore le concept d’un atelier dont les baies sont ordonnées selon la gravité des travaux à réaliser. « On peut ainsi équiper ces salles avec le personnel adéquat et ne mettre que les équipements nécessaires. Ce n’est pas normal, surtout dans un contexte de rareté de main-d’œuvre, qu’un technicien chevronné passe des heures à compléter des réparations simples qui pourraient être faites par un apprenti. »
Il considère essentiel de gérer les processus selon la gravité des réparations. Ainsi, un atelier pourra réaliser qu’il lui est plus profitable d’accepter dix petites réparations qu’une seule de haute gravité. Comme mentionné par ses confrères, cela permet d’optimiser les opérations de l’atelier, mais aussi, ajoute M. Bélganche, de mieux gérer les commandes de pièces, notamment en concentrant les achats.
Équilibrer l’horaire
Du côté d’AkzoNobel, John Cox, directeur des services Acoat, la première recommandation est d’établir un calendrier de production équilibré. « La gestion du processus n’est pas uniquement de compter les heures et les unités, c’est aussi d’avoir un sain mélange de travaux légers, moyens, lourds et très lourds. Il faut maximiser le mélange et plusieurs logiciels de suivi sont disponibles pour éviter les goulots d’étranglement. »
Au sujet de répartir les tâches selon le niveau de compétence des techniciens, M. Cox est d’accord pour indiquer que ce sont les travailleurs les plus expérimentés qui devraient s’attaquer aux travaux les plus complexes. « Les tâches nécessitant moins d’expertise, qui n’ont d’ailleurs rien de simple, comme le démontage, le remontage ou la préparation, devraient être confiées aux techniciens en apprentissage. Il faut concentrer l’expertise au début du processus pour faciliter le flux de production par la suite. »
Selon lui il est important d’établir des procédures standardisées, peu importe l’importance des travaux, afin de responsabiliser chaque travailleur, considérant que plusieurs vont toucher au même véhicule dans le processus de réparation. Cette approche permet aussi de suivre les travaux en regard à la profitabilité puisque l’on s’assure que les tâches les plus simples sont réalisées par nos apprentis et non pas par nos vétérans dont les salaires sont supérieurs. »
Plusieurs avantages
Domenic Prochilo, vice-président de Simplicity Soins d’auto voit dans la catégorisation des gravités de dommages plusieurs avantages. « En segmentant les travaux par catégories on occupe systématiquement des techniciens et des postes de travail pour rendre plus fluide le processus de réparation. Cela facilite l’évaluation de la productivité de chaque poste et de chaque technicien. Quand un atelier se concentre sur les capacités et la formation de ses techniciens, cela s’inscrit bien dans la gestion des processus de travail, car ce type d’environnement permet de créer des tandems où un technicien junior peut être lié à un vétéran. On favorise l’échange de connaissances entre techniciens et générations. »
La gestion globale et efficace n’est, selon lui, pas seulement la meilleure approche pour maximiser les processus, mais une solution prouvée de réduction des coûts et de hausse de productivité d’un département à l’autre. « En analysant les résultats du réseau Simplicity, j’ai pu découvrir qu’un gain de 5 % en efficacité avait un impact sur la marge de l’atelier supérieure à ce que serait une hausse de deux dollars du taux horaire. »