La réparation d’un véhicule est constituée d’une multitude d’étapes complexes qui représentent autant de sources potentielles de pertes d’efficacité.
Il existe tellement d’indicateurs de performances en carrosserie et d’étapes à analyser qu’un gestionnaire peut rapidement y perdre son chemin.
Les spécialistes consultés à ce sujet recommandent une approche simplifiée et graduelle.
« On ne peut pas tout contrôler, lance Anouar Bélganche de Norton St-Gobain, spécialiste des processus en carrosserie. Il y aura toujours des perturbations imprévues, mais c’est au gestionnaire de l’atelier de mettre en place une planification en tenant compte des capacités de l’atelier et des points d’étranglement. »
Il donne pour exemple la chambre de peinture, souvent un entonnoir dans l’atelier. Si le département de peinture pour traiter l’équivalent de deux voitures à l’heure, il devrait voir passer 16 voitures par jour.
« Si tu en peins l’équivalent de dix, il y a un problème dans la chaîne des opérations. »
Tous les jours
Selon M. Bélganche, cette perte de productivité découle souvent d’une mauvaise planification des travaux dès le départ. La notion de prendre les voitures accidentées le lundi pour les livrer le vendredi est la source de bien des problèmes.
« Il faut accepter des véhicules et en livrer tous les jours », résume-t-il. Et ensuite, établir chaque étape menant de la réception à la livraison du véhicule et les mesurer.
« Il faut des guides, comme chez McDonald, le temps de réception devrait être de 25 à 30 minutes, par exemple. Si on déborde constamment, il faut savoir pourquoi. Et si c’est plus rapide, il faut voir si toutes les questions ont été posées au client. »
Les réseaux de carrosserie offrent plusieurs outils informatiques pour suivre les indices de performance. Comme l’illustre Yves Robichaud, directeur de zone pour le Québec pour CARSTAR, « l’ordinateur a pris le relais de ce que le gestionnaire tenait uniquement dans sa tête auparavant ».
Évaluer les capacités
Il passe la parole à Rémi Michaud, spécialiste des opérations pour le même réseau.
« Augmenter la productivité c’est de bien calculer les capacités de l’atelier et planifier en conséquence », résume-t-il.
« Il faut évaluer cinq jours de production et répartir le travail dans le temps. Cela peut signifier qu’on fait entrer une voiture lourdement accidentée en milieu de semaine. »
Il est d’ailleurs d’accord avec M. Bélganche pour identifier la chambre de peinture comme principal goulot d’étranglement du flot de production. Y maximiser les heures travaillées est la clé selon lui.
M. Michaud comprend que les gestionnaires de carrosseries sont constamment dans le feu de l’action, mais il les invite à prendre un pas de recul et voir l’ensemble des opérations.
« On ne peut pas toujours courir après les incendies, il faut en trouver la cause. Je crois à une démarche d’amélioration continue où des étapes peuvent être améliorées de façon permanente. »
Approche méthodique
C’est aussi ce type de démarche méthodique que recommande Sonia Bouthillette, vice-présidente aux opérations pour le Réseau Fix.
« Il faut surtout éviter d’agir sur des perceptions, met-elle en garde. Il faut chiffrer pour comprendre et un gestionnaire doit trouver les indicateurs qui lui seront utiles pour apporter les ajustements positifs à ses opérations. »
Elle mentionne que les carrossiers ont accès à des systèmes de gestion d’atelier qui compilent pour eux diverses données. Mais si cela les intimide, elle suggère simplement d’ouvrir une grille Excel et d’y entrer les heures facturées par rapport aux heures disponibles, par exemple.
Et d’y introduire graduellement d’autres éléments comme le coût des pièces et des matériaux, les volumes et les suppléments.
« Il faut apprendre à marcher avant de courir, lance-t-elle. Pas besoin d’être un expert. L’important c’est aussi d’impliquer toute l’équipe dans le processus. Tous doivent comprendre pourquoi on veut mesurer la performance. »
Avec son expérience elle constate que beaucoup est à gagner côté efficacité en planifiant mieux les entrées.
« Je ne comprends pas pourquoi on voit encore des véhicules de clients qui passent une semaine dans le stationnement avant que l’atelier n’y touche. Si la voiture est carrossable, le client reviendra plus tard. Il faut que le carrossier prenne le contrôle de son horaire. »
Prendre le temps au départ
Un autre facteur déterminant selon Mme Bouthillette, c’est la phase d’estimation. « On parle ici de la gestion des attentes. Faire un bon estimé, prendre le temps et plier les genoux, aller sonder l’invisible dans le but de réduire les suppléments et les délais c’est le point de départ. »
Les Pawlowski, directeur général de Symach, propose une démarche intéressante : « On peut déterminer le temps nécessaire pour l’exécution de chaque tâche, ce qui est possible avec les systèmes de gestion. Les carrossiers peuvent travailler avec leur bannière pour les soutenir dans cette démarche. »
« Connaissant les capacités de l’atelier, ils peuvent établir des objectifs mensuels, hebdomadaires ou même quotidiens. Avec des objectifs réalistes, il est plus facile d’identifier les zones à problème qu’on pourra corriger. Ça peut être des pièces commandées trop tard ou encore un besoin de formation pour un technicien. »
M. Pawlowski recommande lui aussi de responsabiliser tous les membres de l’équipe. Installer un grand écran où on voit la progression des travaux, ce qui n’est pas encore pratique courante dans nos ateliers, est une façon simple de voir quels véhicules prennent du retard.
« Et quand le système est efficace et qu’on a éliminé les points de friction, on ajoute une voiture par semaine, pour voir. Puis une autre. Jusqu’à l’apparition d’un nouveau goulot auquel on trouvera une solution », avance le spécialiste.