Être propriétaire et administrateur d’un atelier de carrosserie en 2021, selon Éric Bernard, président du Groupe CRS.
C’est le père d’Éric, Lucien Bernard, qui a fondé l’atelier Le Carrossier Rive-Sud à Saint-Romuald, en 1973.
Commençant tout jeune, au bas de l’échelle, le fils a graduellement pris intérêt dans l’entreprise familiale. Du lavage des voitures à des travaux d’entretien des locaux le soir et les week-ends, c’est en observant, avec le temps, qu’il a appris les bases de la préparation, jusqu’à l’application de peinture, ayant pris la relève du peintre lors d’une absence pour maladie.
« J’ai fait mes classes dans l’atelier, à une époque où il s’agissait d’un travail d’artisan, se remémore-t-il, mais j’ai rapidement compris que même si je pouvais aller au maximum de mes habilités, je devais suivre de la formation. L’époque où on pouvait faire de la carrosserie avec un marteau, un tournevis et une paire de pinces était sur le déclin. »
Analyser les chiffres
S’engageant toujours plus dans les opérations, Éric a suivi plusieurs formations de peintre avec un fournisseur pour peaufiner son art, mais le tournant, pour lui, est certainement la formation de gestion d’atelier de carrosserie qu’il a complétée, graduellement, par les soirs.
« C’est là que j’ai appris à analyser les chiffres, souligne-t-il. Mesurer la productivité, l’efficacité et la rentabilité d’un atelier n’était pas pratique courante au début des années 1990.
« Je ne comprends toujours pas comment et pourquoi plusieurs carrossiers continuent d’opérer sans connaître leur réel coût horaire. Passer des ententes avec des assureurs sans connaître son seuil de rentabilité, c’est un véritable suicide financier ! »
En 2019, le gestionnaire a même poussé plus loin l’exercice en mandatant Mallette, une firme indépendante spécialisée, pour construire un chiffrier et réaliser une étude des coûts d’opération de son atelier tenant compte des salaires, des frais fixes, des investissements en équipement et en formation. C’est la base de ses discussions avec les constructeurs et les assureurs.
Le grand virage
De 40 % des parts en 1990, Éric acquiert la balance des actions en 2001. L’atelier compte alors six employés. Responsable de l’entreprise familiale, M. Bernard fait preuve d’ouverture d’esprit et pousse son équipe dans une nouvelle direction.
Une certification Attitude Client ne sera que la première étape, qui sera suivie par une innovante certification ISO pour un atelier de carrosserie. Suivra une vague de certifications des techniciens pour le programme I-CAR.
En 2007, il achète les bâtiments et sépare les opérations automobiles de celles des camions. Toujours en 2007, il crée, une nouvelle entité pour sa division auto, L’expert carrossier Rive-Sud sous la bannière CarrXpert. Aujourd’hui, Le Groupe CRS, soit Le Carrossier Rive-Sud et L’expert carrossier Rive-Sud, emploie 73 travailleurs.
L’atelier jouit d’une telle réputation dans la grande région de Québec que des représentants de Porsche l’approchent pour lui demander de se certifier sous cette marque de prestige en 2015.
« J’ai regardé la proposition et vérifié l’investissement en formation et en équipements que ça nécessitait. Mais avant de plonger, je me suis informé auprès d’autres constructeurs comme Tesla, Audi puis BMW pour valider s’ils avaient besoin d’un atelier de carrosserie certifié pour les servir. Avec leur réponse positive, j’ai pris le risque. »
Comme le résume si bien cet entrepreneur, l’idée n’est jamais de s’arrêter à la valeur d’un investissement, mais bien à combien il rapportera. Cela est la base de toutes ses décisions d’affaires.
Sa juste valeur
Aujourd’hui environ 15 % des véhicules réparés chez lui sont des voitures et VUS de luxe. L’expertise développée pour maintenir la certification par ces constructeurs de prestige profite à tous les véhicules confiés à l’entreprise.
« J’ai ajouté de la valeur à mon atelier, explique M. Bernard. Nous avons une excellente réputation pour la qualité de nos services et de nos réparations. »
« Nous sommes aussi reconnus comme étant dans les plus chers du marché. Je n’ai aucun problème avec ça. Ce sont des coûts justifiés et prouvés par une étude. Il est grand temps que nous soyons rémunérés à la hauteur de nos compétences. L’industrie doit changer dès maintenant !
« Les assureurs, qui ont réellement à cœur la sécurité des clients et leurs familles, se sont déjà penchés sur cette réalité. Quand on parle d’un partenariat, il faut que la relation soit gagnante gagnante. »
Les assureurs qui confient les voitures de leurs clients à L’expert carrossier Rive-Sud savent à quoi s’en tenir. Ils savent que le véhicule sera réparé selon les procédures des constructeurs.
Cela va bien au-delà des simples règles de l’art qui s’appliquaient encore il y a quelques années. L’estimation découle directement des procédures élaborées par l’ingénierie des constructeurs et si une pièce doit être remplacée, elle le sera, même si parfois l’assureur préférerait payer pour sa réparation.
Les coûts réels
Éric Bernard explique : « Je ne suis pas actuaire, mais il est clairement démontré dans plusieurs études que les primes d’assurance chargées aux consommateurs sont complètement déconnectées de la réalité.
« Elles ne suivent pas les coûts réels de réparation des voitures d’aujourd’hui. Vouloir toujours payer moins cher pour les travaux est risqué. La compétence coûte cher, mais l’incompétence coûte encore plus cher. »
À savoir si l’atelier compte ajouter d’autres certifications de constructeurs, Éric marque une pause. « J’ai pris des décisions qui me permettent de voir l’avenir avec espoir. Je vois que l’arbre est en fleurs, mais je ne récolte pas encore les fruits.
« Je veux continuer à travailler sur la croissance de mon entreprise et penser à sa pérennité avant de m’avancer davantage. Chose certaine, l’avenir repose sur l’expertise et non pas sur la signature d’ententes à volume et à rabais. »