Pour les ateliers indépendants, l’arrivée des véhicules électriques et hybrides représente un défi que certains relèvent avec enthousiasme.
Nous avons parlé à trois ateliers de la région de Québec qui réparent en entretiennent des VÉ ou qui se positionnent pour le faire incessamment. Ils comptent dans leurs équipes des techniciens qualifiés ou engagés dans le processus de certification du programme de Compétences VÉ.
Les propriétaires d’ateliers consultés font déjà des entretiens de base sur les véhicules hybrides, mais ne touchent à rien qui regarde le haut voltage. Ce qui va changer du moment où leurs techniciens seront certifiés.
Signe de compétence
« Nous sommes un peu éloignés des centres pour voir un gros volume de VÉ dans notre atelier, explique Paulin Beaupré, de l’atelier LJA Plamondon de Saint-Raymond. Mais nous voulons nous positionner, avoir ce qu’il faut pour faire le service et pouvoir nous afficher. Publiciser le fait que nous avons les compétences pour réparer les véhicules électriques, c’est passer un message de compétence pour l’ensemble de notre clientèle. » Il explique que le véhicule électrique est souvent la deuxième ou troisième automobile des ménages et que les deux autres véhicules, à essence, l’intéressent aussi. Attirer les VÉ, c’est aussi capter ce marché plus traditionnel.
Selon M. Beaupré, l’atelier sera en mesure de travailler sur tous les véhicules électriques dès mars prochain. Soulignons d’ailleurs que la pandémie de COVID-19 a retardé tout le processus d’électrification des ateliers indépendants.
Rivaliser avec les concessionnaires
« Les propriétaires de véhicules électriques ont tendance à retourner chez les concessionnaires pour leurs entretiens, explique pour sa part Benoit Lepage, propriétaire de BLepage Auto service de L’Ancienne-Lorette. Il faut tout mettre en œuvre pour les attirer et les rassurer. »
L’atelier est très dynamique dans la vente de pneus, ce qui fait entrer dans ses baies de service un bon nombre de VÉ. « En effet ça attire beaucoup de VÉ récents, souligne M. Lepage. Ça nous permet, depuis plusieurs années, d’offrir les services d’entretien mécanique. Car il faut le dire, les freins, la direction et le système de suspension sont à vérifier même sur ces véhicules, explique M. Lepage. Et s’il n’est pas rare de voir des plaquettes encore bonnes après 200 000 kilomètres, sous nos conditions climatiques, il faut néanmoins proposer l’entretien régulier des freins aux clients. » Même chose pour les lubrifiants dans des moteurs d’appoint qui peuvent passer des mois sans tourner sur les modèles hybrides. Bref, tablette numérique à la main, ses techniciens font systématiquement le tour de tous les véhicules qui se présentent à eux.
Une clientèle particulière
La communauté des propriétaires de VÉ, certains iront même jusqu’à parler de secte, se démarque par sa grande connaissance de leurs véhicules. Souvent plus âgés que la moyenne, ils arrivent après avoir consulté des forums spécialisés et des sites internet avec une idée claire, mais souvent erronée, des problèmes techniques et besoins d’entretien de leur véhicule bien aimé. Et surtout, c’est une mauvaise stratégie d’offrir un gros VUS en courtoisie à un propriétaire de VÉ dont l’économie est un enjeu qui lui tient à cœur.
L’atelier de M. Lepage va d’ailleurs faire l’acquisition de deux voitures 100 % électriques à offrir en courtoisie à ses clients. « On veut promouvoir nos compétences, mais aussi encourager l’électrique. Les VÉ font maintenant partie de nos mœurs et avec la volonté de notre gouvernement de faire passer le parc automobile à l’électrique à partir de 2035, le phénomène ne va aller qu’en s’accélérant. »
Un défi parmi d’autres
Pour Martin Gilbert, propriétaire de l’atelier Mécanique auto D.R. de Saint-Étienne-de-Lauzon et mécanicien d’expérience, l’arrivée des VÉ ne représente simplement qu’un nouveau défi pour le marché secondaire automobile qui en a vu bien d’autres. « Il faut prendre notre place, il faut évoluer, résume-t-il. Ça tombe bien, je suis un gars de technologies. Ça me rappelle l’arrivée des moteurs à injection au sujet desquels les garagistes avaient tellement de craintes. Aujourd’hui, personne ne voudrait revenir aux carburateurs. »
M. Gilbert parle d’un apprentissage nécessaire permettant d’identifier les particularités des VÉ. Par exemple, le système de climatisation sur ces véhicules n’est pas un luxe, mais une composante nécessaire au maintien de la batterie qui mérite un entretien spécifique. Il réitère le fait qu’électrique ou non, les voitures ont des pièces mécaniques à entretenir, mais aussi tous les accessoires électriques qui se multiplient et demandent parfois des réparations.
« C’est une erreur de dire aux acheteurs de VÉ qu’ils peuvent quitter le concessionnaire en paix en pensant que leur nouvelle acquisition ne demandera aucun entretien », insiste M. Gilbert.
En ce moment, le marché du VÉ pour les ateliers indépendants reste marginal. Il représenterait moins d’un pour cent selon les ateliers avec lesquels nous avons parlé. « Mais cet automne, nous avons réalisé que nous avons reçu trois fois plus d’hybrides que l’année dernière à pareille date, constate Martin Gilbert. S’adapter demande de l’investissement et la compétence n’arrive pas toute seule. C’est certain que ce marché va continuer à progresser et je veux que mon atelier soit de la partie. »