Le remplacement et la calibration des composantes des systèmes avancés d’aide à la conduite (ADAS) se glissent graduellement dans les opérations des carrossiers. La question est de savoir comment ces opérations peuvent être rentables.
Les investissements en équipements et en formation pour qu’un atelier se mette à niveau sont importants. De plus, les calibrations demandent de l’espace et des conditions spécifiques nécessitant la réorganisation des locaux, quand cela est physiquement possible.
Face à cette situation, plusieurs ateliers de carrosserie seront contraints de confier ces calibrations à des sous-traitants, notamment les concessionnaires. Cela a un impact sur les flots de production, le contrôle de la qualité et la gestion des revenus.
Une approche logique
« Il est évident que nous n’avions pas le choix d’aller dans cette direction », explique Jean-François Gratton, propriétaire de la carrosserie CARSTAR à Dégelis. « Les concessionnaires sont loin de notre atelier et c’était une perte de revenus et de temps d’y faire transporter les voitures. Nous avions déjà développé une expertise en calibration puisque nous remplaçons depuis cinq ans les vitres d’auto. Remplacer un parebrise demande souvent des ajustements de la caméra qui se loge derrière. À partir de cette expertise, nous avons introduit graduellement les calibrations reliées aux systèmes ADAS dans nos processus de réparation de carrosserie. Nous avons procédé avec logique, ciblant les marques et modèles les plus présents sur notre marché. Nous n’avons pas le choix de le faire, l’industrie s’en va dans cette direction. Et plus un atelier attend, et plus ça va coûter cher de se mettre à niveau. »
En ce moment, l’atelier est en mesure d’effectuer 80 % des calibrations nécessaires sur les véhicules qui lui sont confiés. Comme toute chose, les premières étaient plus longues, mais à l’usage l’opération s’est simplifiée.
« Si on parle rentabilité, c’est difficile de donner une réponse claire aujourd’hui, admet M. Gratton. Je peux dire qu’il y a de l’espoir. La situation a changé puisque nous avons de grands volumes de véhicules à réparer, ce qui change notre relation avec les assureurs. Certains offrent des prix fixes, d’autres comprennent qu’on charge plus cher ; chose certaine, nous pouvons plus facilement discuter, d’autant que tous nos processus sont bien documentés selon les exigences des constructeurs. Il faut que les assureurs reconnaissent nos efforts et nos investissements. »
Pour l’atelier de Dégelis, effectuer les calibrations sur place représente déjà une économie comparativement à les confier à d’autres.
Un gain en efficacité
Corey Etheridge, copropriétaire de l’atelier Fix Auto de Fredericton au Nouveau-Brunswick, a intégré les calibrations ADAS plus récemment pour des raisons semblables à celles évoquées par son collègue. « Nous voulions réduire les temps d’attente, explique-t-il. Il est aussi important d’être en mesure d’effectuer ce travail à l’interne, sachant que l’industrie va dans cette direction. »
Il estime qu’environ 20 % des voitures à réparer dans son atelier nécessitent une ou plusieurs calibrations. L’entreprise faisait aussi déjà le remplacement de parebrise, ce qui lui a donné une très bonne base de départ en matière de calibration.
« Nous effectuons l’analyse des données électroniques avant, pendant et aussi après la réparation pour savoir exactement ce qui est à remplacer et calibrer, précise-t-il. Ensuite, les équipements nous indiquent étape par étape les processus à suivre selon les exigences des constructeurs. Toutes les étapes sont documentées, même les résultats de nos essais routiers afin de nous assurer que tous les systèmes fonctionnent parfaitement avant de redonner le véhicule au client. »
La formule développée par cet atelier repose sur le fait que toute la mécanique est aussi effectuée à l’interne. Les frais de calibration sont au tarif de la mécanique, plus élevé que celui à la carrosserie. Une facturation normale selon M. Etheridge puisque cette opération demande des équipements de pointe et des techniciens formés.
« Oui, la calibration est un poste de profit, constate l’entrepreneur. C’est un bel ajout à nos services, car en plus, on répare plus vite. Les ateliers qui ne le font pas devraient s’y mettre, car on voit bien que de plus en plus de véhicules sont dotés de systèmes ADAS dont il faut s’occuper. »
Payé à sa juste valeur
Michel Julien, fondateur de MJConsultech, a bien compris l’importance d’intégrer les calibrations ADAS par les carrossiers en créant la certification ADAP (Alliance Digitale Automobile Professionnelle). En mettant sur pied un programme de formations spécifique pour les calibrations, il a réuni un groupe de carrossiers certifiés ayant réussi les formations et validé leur expertise.
Conscient de l’investissement nécessaire à l’atteinte de cet objectif, M. Julien a établi une grille de tarifs pour les calibrations tenant compte de toutes les dépenses encourues par les ateliers. Partagée avec les principaux assureurs, cette grille se veut transparente et vise à garantir que les carrossiers sont rémunérés à la hauteur de leur expertise.
« Les ateliers qui ont obtenu la certification sous notre programme sont rémunérés au juste prix puisque les assureurs qui s’adressent à eux comprennent la valeur et l’implication financière nécessaire à une bonne pratique, explique M. Julien. Toutefois, il est évident que pour rentabiliser l’opération il faut réaliser un nombre plancher de calibrations. Plus les ateliers en réalisent, et plus c’est rentable pour eux. D’un autre côté, avec notre suivi technique et les mises à jour constantes de notre plateforme de formation, les assureurs qui s’adressent aux membres ADAP savent qu’ils guideront leurs clients vers des ateliers qui savent ce qu’ils font et sont en mesure d’effectuer les calibrations des systèmes ADAS dans les règles de l’art. »
Encadré (avec photo : confirmation.jpg crédit MJConsultech )
Mise en garde
Michel Julien informe nos lecteurs que certains équipements de calibration sur le marché présentent une faille majeure : malgré le suivi de toutes les étapes de calibrations, aucun ajustement réel n’est fait sur les caméras, radars et autres capteurs des systèmes ADAS. Un rapport de réussite de l’opération peut même être produit alors qu’aucun système de sécurité n’a réellement été calibré ou ajusté.
Selon lui, la seule méthode pour s’assurer qu’une calibration a bel et bien été effectuée sur un véhicule est d’obtenir la confirmation du véhicule via l’analyseur (scanner). C’est la dernière fenêtre qui apparaît suite à une calibration, comme le montre l’illustration ci-dessous.