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Point de rupture dans les ateliers

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La réparation des systèmes technologiques à bord des véhicules d’aujourd’hui demande des équipements et de la formation qui doivent être compensés. PHOTO Michel Beaunoyer

Le phénomène de pénurie de main-d’œuvre dans les ateliers de carrosserie atteint un niveau alarmant.

La situation n’est pas nouvelle, cela fait des années que les carrossiers peinent à trouver les employés nécessaires à remplacer les retraités pour soutenir la croissance de leurs entreprises.

Cependant, la crise atteint un niveau alarmant alors que la pénurie de travailleurs de qualité n’est plus seulement un frein à la croissance, mais une réelle menace à la pérennité des ateliers.

Nous avons parlé à des carrossiers, sous le couvert de l’anonymat, qui tenaient à tirer la sonnette d’alarme et demander des secours. Pourquoi refusent-ils de parler à visage découvert ?

Tout simplement par crainte de représailles de la part des assureurs, principaux donneurs d’ouvrage dans cette industrie.

Complexe et cher

Selon Michel Bourbeau de la CCPQ :

« Les réparations de carrosserie demandent des investissements constants, non-stop, en équipement et en formation. Idem en ce qui concerne l’augmentation des coûts reliés aux directives sans cesse croissantes et de plus en plus exigeantes des assureurs au niveau du contrôle des opérations.

« La maîtrise des nouvelles technologies, notamment celles liées aux diagnostics électroniques et à la réparation et à la calibration des systèmes avancés d’aide à la conduite ou encore aux travaux sur les nouveaux alliages, demandent des techniciens compétents et bien formés.

« Il s’agit d’une nouvelle réalité, d’un incontournable. Là où le bât blesse, c’est que certains accommodements qui sont désormais obsolètes, tout comme les tarifs horaires versés aux carrossiers par les assureurs, sont nettement insuffisants.

« Les carrossiers n’ont tout simplement plus la marge de manœuvre nécessaire pour offrir des salaires compétitifs et des conditions de travail attrayantes. »

Un carrossier qui a voulu résumer le portrait de la situation a lancé ceci :

« La carrosserie est un parent pauvre de l’industrie automobile à cause de cette dépendance envers l’assureur qui ne veut pas payer le juste prix pour tout ce qui représente le processus de réparation. L’assureur veut toujours plus, mais ne me verse pas un sou de plus.

« C’est d’autant plus frustrant que les compagnies d’assurance ont accumulé des profits obscènes durant la pandémie alors qu’ils ont glissé des augmentations de primes à leur client tandis que la fréquence des réclamations a grandement chuté ».

Manque d’appuis

Un autre carrossier a déploré le manque de dynamisme des gestionnaires de bannières et de franchises qui pourraient dire aux assureurs que s’ils veulent que leurs ateliers s’occupent des véhicules de leurs clients, qu’ils versent le juste prix.

Un autre ajoute que le secteur manque de solidarité.

« Un carrossier qui ne met pas un dollar dans l’achat de nouveaux équipements ou dans la formation va toujours lever la main et accepter un travail qu’un atelier sérieux ferait à perte.

« Il faut des normes et des standards. Les assureurs ne devraient faire affaire qu’avec les carrossiers qui savent réparer correctement et qui vont redonner les clefs au client sachant qu’il va prendre la route en toute sécurité. Là, tout ce qu’ils regardent c’est combien ça coûte. »

Des solutions ?

Nous avons demandé à ces carrossiers ce qu’ils feraient pour remédier à la situation s’ils en avaient le pouvoir.

Selon eux, plus d’efforts devraient être faits par l’industrie automobile pour mousser les carrières dans le domaine de la carrosserie. L’alternance travail études devraient aussi généralisée afin que les étudiants du domaine puissent être payés convenablement tout en travaillant.

Cette formule plaît beaucoup aussi du fait qu’elle permet de valider la qualité des candidats.

Personne ne semble contre l’idée d’accélérer les programmes de recrutement international, pourvu que les critères de sélection soient resserrés.

« Nous n’avons pas le luxe de pénaliser nos opérations en mettant nos techniciens les plus performants en accompagnement de gens qui ne feront jamais de bons employés.

« Dans le contexte actuel, pour que nous nous gardions la tête hors de l’eau, nos bons techniciens doivent donner tout ce qu’ils ont dans l’atelier. »

Selon un autre carrossier dont la moyenne d’âge des travailleurs fait craindre le pire pour les années à venir, le gouvernement devrait reconnaître immédiatement la pénurie de main-d’œuvre en carrosserie et mettre en place des programmes qui faciliteraient l’embauche et la formation.

Des effets tangibles

« J’ai un assureur qui me revient constamment pour me dire que mes délais sont trop longs, se plaint un carrossier. Je veux bien aller plus vite, mais va-t-il m’aider à recruter de bons techniciens en me donnant plus d’argent ? Je ne pense pas ! »

Et il n’est pas le seul à constater que faute de ressources humaines, impossible d’accepter tous les véhicules ou de s’engager à les livrer rapidement.

L’exemple des peintres revient souvent. Et dans un cas, le fait qu’un seul peintre travaille dans l’atelier, malgré des recherches intenses pour une nouvelle paire de bras, cela fragilise grandement la situation de l’entreprise.

Quand le peintre prend congé, c’est tout l’atelier qui arrête. Et s’il tombait malade ou trouvait une meilleure offre ailleurs ?

La rareté de la main-d’œuvre fragilise tout le secteur. Plusieurs pistes de solutions sont identifiées de longue date, mais force est de constater que plusieurs pointent vers l’assureur.

« Ça nous prend de vrais partenaires, des gens qui vont comprendre qu’ils ont besoin de nous pour servir leurs clients. Mais ça prend du bon vouloir pour comprendre », conclut un de nos interlocuteurs.

Catégories : Carrosserie, Éditorial
Étiquettes : CCPQ, Ressources humaines

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