Entrevue avec le président et chef de la direction de Michelin.
Les fabricants de pneus devraient-ils se restreindre à fabriquer des pneus ? Michelin pense que non. C’est pourquoi l’entreprise française a tenu en juin un sommet à Montréal sous le titre Movin’On, une première au Canada.
Connu sous le nom Challenge Bibendum, le sommet a attiré quelque 4000 participants de 31 pays. Au programme : tables rondes, ateliers et démonstrations, tous sous le thème de la mobilité durable.
Changement de perspective
« Nous avons pris l’habitude de ces rencontres il y a 20 ans, lance Jean-Dominique Senard, président et chef de la direction de Michelin. Nous voulions conjuguer les forces des différents acteurs pour prendre le virage de la mobilité durable. »
Au début, ces sommets se penchaient surtout sur les technologies des véhicules, comme les motorisations hybrides et électriques, mais l’approche a changé au fil des ans. « L’évènement attire maintenant des gens d’autres secteurs de l’économie, poursuit M. Senard. La mobilité urbaine est devenue un thème central, de même que la connectivité et les différentes avenues que pourrait prendre leur développement. Nous ne sommes pas ici pour faire la promotion de Michelin, mais plutôt pour contribuer au développement durable en abordant les questions de mobilité. »
Retour à Montréal
M. Senard avait déjà rencontré le maire Denis Coderre lors d’une conférence à Washington ; ce dernier lui avait alors demandé de se pencher sur les questions de transport urbain. L’évènement s’est si bien déroulé qu’il reviendra dans la métropole québécoise en 2018.
« Le secteur public est déterminé à explorer les différentes avenues et à intégrer les principes du développement durable dans nos stratégies économiques, pense M. Senard. C’est ce qui ressort nettement de nos discussions avec le maire et son équipe, de même qu’avec les représentants du gouvernement. Nous avons eu des discussions avec le ministre des Transports et le ministre de l’Énergie et des Ressources renouvelables, et nous avons entendu le même discours. C’est encourageant.
« L’avenir repose sur une collaboration simple et naturelle entre les secteurs public et privé. Si nous ratons cette occasion, nous ratons la cible au complet. Nous devons innover et mettre au point de nouveaux produits. Les gouvernements nous aident par des subventions au développement et par des règlementations qui facilitent la mise en marché des nouvelles technologies. »
Soutenir la croissance de la mobilité durable
La répartition démographique et la taille du Canada peuvent passer pour des défis importants quand on fait la comparaison avec les pays d’Europe, où la population est beaucoup plus concentrée. Mais Jean-Dominique Senard ne le voit pas ainsi. « En matière de transports électrifiés, je suis impressionné par les efforts que font les villes de par le monde. Certaines d’entre elles deviennent des chefs de file sur le plan de l’innovation. Personne ne pourra ignorer la nécessité d’améliorer la mobilité en milieu urbain.
« Nous croyons en la pertinence de stimuler la croissance, mais nous tenons à ce que la mobilité aille de pair avec le respect de l’environnement. Nous y travaillons depuis 135 ans. Michelin fait partie de ces entreprises qui contribuent à une économie circulaire, car même si la croissance reste incontournable, elle ne doit pas faire fi de la protection des ressources naturelles. Nous ne devons pas tirer de la nature plus que ce qu’elle peut générer. »
Selon M. Senard, le Canada est prêt à aller dans ce sens grâce notamment à l’hydroélectricité produite surtout au Québec. « Avant d’arriver chez Michelin, j’ai travaillé dans l’industrie de l’aluminium. Je sais à quel point cette énergie présente un avantage concurrentiel. Nous serions fous de ne pas en profiter.
L’hydroélectricité rend les véhicules électriques encore plus pertinents ici que dans toute autre région du monde. Produire des véhicules électriques, c’est bien, mais plus encore, la source de l’électricité qui les alimente est l’élément clé du processus de décarbonisation. Il faut aussi investir dans les infrastructures et offrir des bornes de recharge en quantité suffisante. L’électricité fait vraiment partie du paysage canadien. »