L’enjeu du recyclage des batteries au lithium-ion concernera les concessionnaires, dans un avenir pas si lointain.
Si la problématique n’est pas d’actualité pour l’instant, elle le sera d’ici cinq ans, estime Sylvain Légaré, analyste de recherches automobiles pour CAA-Québec. Rappelons que ces fameuses batteries utilisées pour alimenter les véhicules électriques sont composées en partie de ressources métalliques – notamment de graphite – qui sont extraites du sol. Comme ces métaux ne sont pas inépuisables et que les premières Nissan LEAF sorties en 2011 arriveront bien vite à la fin de leur vie utile, il faudra, par souci écologique, trouver un moyen efficace de réutiliser les batteries au lithium-ion et ultimement de recycler leurs composants pour en fabriquer de nouveaux.
« Dans le futur, les marques devront s’impliquer davantage, ajoute M. Légaré. On commence à voir des constructeurs qui récupèrent des piles, tels que Honda, Nissan et Tesla. Éventuellement, ce sera plus répandu. C’est un incontournable. »
S’ils doivent respecter des quotas au Québec en ce qui a trait à la production et à la vente de véhicules électriques, l’expert prévoit que les gouvernements, d’ici quelques années, légiféreront aussi sur le recyclage des batteries.
« Ce sera nécessaire pour les obliger à penser à cet enjeu. Est-ce qu’on mettra en place des écofrais ? Peut-être… », fait-il remarquer, estimant que les concessionnaires seront eux aussi concernés de près par le phénomène.
« Si les constructeurs se retrouvent dans l’obligation de reprendre les piles, les concessions serviront sans doute de points de chute pour la collecte. C’est ce qui se produit du côté de l’industrie des pneus : les garages sont obligés de reprendre ceux-ci. »
Des partenariats
Comme cet enjeu sera important d’ici quelques années, différentes initiatives et projets pilotes de constructeurs et d’entreprises privées commencent à émerger à travers le globe. Certains acteurs de l’industrie créent notamment des associations en Europe pour mettre en place des systèmes de dépôt de batteries. C’est le cas de Volkswagen, qui s’est récemment entendu avec le fabricant de piles suédois Northvolt pour créer le regroupement European Battery Union (EBU), lequel se donne pour principal mandat d’effectuer des recherches sur le recyclage et éventuellement de mettre sur pied des usines de production de batteries écoresponsables en Europe.
« Les partenariats entre les constructeurs et les différents acteurs du milieu seront indispensables pour trouver des solutions à cette problématique, croit M. Légaré. Pour que le système évolue, il faudra mettre la compétition de côté et s’allier. »
Réutiliser avant de recycler
De son côté, Pierre Langlois, physicien et consultant en mobilité électrique, met en lumière le fait que les batteries au lithium-ion, une fois que les véhicules électriques arrivent à la fin de leur vie utile, conservent entre 70 et 80 % de leur capacité énergétique. Avant de les recycler, les acteurs de l’industrie songent donc à des moyens de leur donner une deuxième vie, par exemple pour le stockage d’électricité.
« Ce n’est pas demain matin que l’on devra vraiment commencer à recycler. Il y a une autre étape sur laquelle on doit s’attarder avant, calcule M. Langlois, estimant toutefois que « pour être prêt quand ce sera le temps, il demeure primordial de commencer à penser dès maintenant à un système efficace de réutilisation et de recyclage ».
Quelques constructeurs travaillent déjà sur des projets « de deuxième vie » pour les batteries, notamment Nissan, qui souhaite « développer un écosystème de stockage, de transfert et d’approvisionnement électrique » qu’il nomme Nissan Énergie. Des projets pilotes sont déployés aux États-Unis, en Allemagne et au Japon. La ville en reconstruction de Namie, victime d’un accident industriel nucléaire à la suite d’un tremblement de terre et d’un tsunami en 2011, bénéficie notamment de lampadaires autonomes mis au point par le constructeur. Le projet de Nissan consiste plus précisément à réutiliser les batteries des LEAF pour concevoir un système d’éclairage urbain autonome qui ne nécessite ni connexion fixe ni fil. Le système ne serait alimenté que par des batteries usagées et des panneaux solaires.
PROJET NOVATEUR AU QUÉBEC
Benoît Couture, président de la firme québécoise Seneca, a parlé de son projet Recyclage Lithion lors du Sommet Impulsion Mtl. Le procédé développé par l’entreprise permettrait de recycler 95 % des composants des batteries au lithium-ion en préconisant l’hydrométallurgie, qui consiste à dissoudre la matière avec des solvants et à faire ressortir les matériaux – cobalt, lithium, graphite – à réutiliser pour fabriquer d’autres batteries.
« Actuellement, on perd 50 % de la valeur des composants de batteries avec le système établi. Celles-ci sont brûlées par pyrométallurgie », plaide M. Couture, ajoutant qu’aucune entreprise, pour l’heure, ne permet de recycler les piles localement. « Les batteries usées sont envoyées en Colombie-Britannique, puis en Europe où l’on récupère le cobalt et le nickel. Ce n’est pas une solution durable. En plus, le procédé expose des humains au danger. »
D’ici 2030, soit le moment où l’enjeu du recyclage prendra de l’ampleur, selon les calculs de M. Couture, Recyclage Lithion compte bâtir des usines préconisant l’hydrométallurgie partout dans le monde.
« Chaque grande ville voudra son usine. La Californie semble déjà intéressée ; elle nous a approchés. Le système que nous avons développé émet peu de gaz à effet de serre et est sans danger, car notre système serait automatisé. En plus, ça générerait des revenus plutôt que des coûts de transport, parce qu’on pourrait tout exploiter localement. Notre but est d’inverser la courbe de croissance des matériaux vierges. »
Une usine pilote d’une capacité de 200 tonnes devrait entrer en opération l’année prochaine à Montréal. D’ici 10 ans, affirme M. Couture, les centres de recyclage que compte déployer Seneca seront d’une capacité de 2000 tonnes.