Si l’économie de partage perdure, quel sera son impact sur les prêteurs et les bailleurs ?
Comme plusieurs d’entre vous, j’ai un long trajet à faire pour me rendre au travail. Cela me donne le temps de réfléchir, d’écouter les nouvelles et de faire quelques appels. Pour être honnête, je ne prétends pas contempler chaque matin la croissance de l’économie de partage, mais c’est pourtant ce que j’ai fait récemment. Quand je parle d’économie de partage, je fais référence aux entreprises qui adoptent l’idée de partager les actifs pour générer des revenus, comme Uber, Lyft et Airbnb.
Par un matin ensoleillé, je suis tombé sur un adepte de l’économie de partage. Il roulait beaucoup trop lentement, dans la voie de dépassement d’une des autoroutes les plus achalandées de Toronto. Je faisais de mon mieux pour rester calme malgré le manque de courtoisie du conducteur, lorsque j’ai remarqué le véhicule.
Il s’agissait d’une voiture haut de gamme à transmission intégrale, lancée quelques semaines plus tôt. C’était la première fois que je voyais ce modèle sur la route. J’ai ensuite noté la présence de deux autocollants sur la lunette arrière ; ceux d’Uber et de Lyft.
De nombreuses personnes travaillent occasionnellement pour ces entreprises, mais pas à temps plein. Je me suis demandé si c’était le cas de ce conducteur et s’il conduisait maintenant un véhicule qui pourrait éventuellement rouler plus de 80 000 km par année à des fins professionnelles. Dans l’affirmative, les choses risquent d’être problématiques en ce qui concerne le coût de possession.
J’ai consulté le site Web du constructeur et découvert que M. « Économie de partage » peut financer ce modèle sur 84 mois (sept ans) pour la modique somme de 100 $ par semaine. Une bonne affaire ? Tout dépend de son utilisation.
Défier les projections
La plupart des projections concernant le coût de possession et la dépréciation sont émises pour un consommateur roulant 20 000 km par année. Si le kilométrage de notre gentilhomme se situe dans la moyenne, sa voiture présentera environ 180 000 km lorsqu’il l’aura remboursée. Elle sera toujours en état de marche, mais elle se trouvera certainement au crépuscule de sa vie utile.
Que se passera-t-il si cet homme adhère vraiment au concept d’économie de partage et qu’il roule 60 000 km par an ? Les autocollants Uber et Lyft suggèrent qu’il travaille, en partie du moins, pour ces deux entreprises. Ainsi, lorsque sa voiture sera payée, elle aura plus de 400 000 km au compteur. Si elle roule aussi longtemps, ce dont je doute.
On peut présumer que son véhicule vaudra alors 100 $, mais uniquement si le réservoir d’essence est rempli aux trois quarts. Aïe ! Il n’aura jamais d’équité sur sa voiture et, selon sa chance, il pourrait la payer encore pendant des années après qu’elle soit montée au paradis de la ferraille. Je suppose qu’il ne s’agit pas d’une location, ce qui ne ferait qu’empirer les choses.
Coût de l’entretien et des pièces
En plus de la dépréciation, le propriétaire de ce superbe véhicule servant au covoiturage devra sans doute acheter quatre ou cinq jeux de pneus et possiblement des pneus d’hiver. Il effectuera vraisemblablement plus de 50 vidanges d’huile et 500 lavages. Il devra aussi, au fil du temps, assumer le coût de composants majeurs, de trois ou quatre remplacements de freins, de roulements de roues et d’une transmission, s’il a de la chance. Je me demande s’il a fait le calcul.
Si le véhicule est déclaré perte totale au cours de la période de financement, il pourrait se trouver dans une situation difficile compte tenu du faible montant payé par l’assurance (en raison du kilométrage extrêmement élevé du véhicule !) et du solde plutôt important sur le prêt. Étant donné tout ce qu’il en coûte uniquement pour être sur la route, je me demande comment il va pouvoir gagner sa vie. Ce sera difficile, et visiblement pas une façon durable de gérer sa petite entreprise.
Adeptes du partage, méfiez-vous !
Mes réflexions de banlieusard n’ont pas pour but de critiquer Uber et Lyft, mais plutôt de mettre en garde tous ceux qui songent à se lancer dans l’économie de partage en utilisant leur véhicule. Assurez-vous d’avoir fait le calcul et de comprendre les coûts réels. De plus, conduire une voiture neuve est probablement la pire chose que vous puissiez faire. Optez pour une voiture d’occasion qui a subi, à tout le moins, la forte dépréciation des 24 premiers mois. Pour éviter les cauchemars liés à l’entretien, faites vos recherches pour dénicher les voitures reconnues pour leur fiabilité.
Aux travailleurs des domaines du financement et de la location de voitures, je pose la question suivante : êtes-vous prêts pour M. Économie de partage ? Aujourd’hui, la plupart des contrats de location de voiture interdisent leur utilisation à des fins commerciales, mais êtes-vous protégés contre de tels risques ? Des inspections de véhicules tous les 12 mois pour vérifier l’odomètre pourraient réduire les risques auxquels vous vous exposez.
De même, en ce qui concerne les prêts, la valeur du véhicule constitue votre sécurité pour les paiements à venir ; mais qu’arrive-t-il lorsque la valeur de l’actif tombe à 0 $ de façon prématurée ? Le risque de défaut de paiement est-il plus élevé sur une location de 15 000 $ lorsque l’actif ne s’élève qu’à une fraction de ce montant ?
À mesure que se développe l’économie de partage, je prédis que le kilométrage des véhicules devra être transmis régulièrement au prêteur ou au bailleur et qu’une technologie sera peut-être conditionnelle au financement. Si suffisamment de prêteurs et de bailleurs sont victimes de ce phénomène, parions qu’il en sera ainsi. Peut-être même que Big Brother pourra faire sortir ce gars de la voie de dépassement ?