En dépit des obstacles, des familles de concessionnaires parviennent à passer le flambeau aux générations suivantes.
On entend souvent dire dans l’industrie automobile qu’il est très difficile de transmettre une entreprise familiale au delà de la deuxième génération. Pourtant, certains y arrivent !
Jusqu’à la 5e génération
Chez Machabée Automobiles, une concession Ford de Labelle, on prépare déjà l’arrivée de la cinquième génération. Amélie Machabée, 23 ans, n’est pas encore prête à succéder à son père, François, mais elle a complété une formation au Centre collégial de Mont-Tremblant et travaille à temps plein dans la concession depuis plus de deux ans. Officiellement, elle occupe le poste de directrice commerciale, mais officieusement elle est déjà en mesure d’occuper différentes fonctions.
« J’ai toujours aimé la mécanique et les automobiles, dit-elle. Quand j’étais plus jeune, tous les soirs après l’école, je venais au garage pour effectuer de petites tâches. Je suis en quelque sorte née là-dedans.»
Pourtant, le parcours d’Amélie ne s’est pas fait en ligne droite, puisqu’elle avait d’abord entrepris des études pour devenir ostéopathe. « Je ne voulais surtout pas la forcer à faire un choix qu’elle ne désirait pas », précise son père, François Machabée, l’actuel propriétaire. Il travaille lui-même avec son père depuis 30 ans.
« Mon père non plus ne m’a jamais forcé à faire ça. J’ai dit à Amélie qu’elle devrait explorer autre chose en premier, et c’est ce qu’elle a fait. »
C’est seulement après cette expérience qu’elle a pris goût à l’entreprise familiale, comme l’on fait avant elle son père, son grandpère, son arrière-grand-père et son arrière-arrière-grand-père.
Faire ses propres choix
Chez les Hébert aussi, on croit beaucoup dans la notion de libre choix. « Très jeune, j’ai commencé à travailler dans les concessions », explique Norman John Hébert, v.-p. du développement des affaires, qui incarne la troisième génération du Groupe Park Avenue. Après des études en Nouvelle-Écosse et un emploi chez BMW en Allemagne, il débute une carrière dans un cabinet de consultation en Europe, puis aux États-Unis. Malgré le succès, il a l’impression qu’il lui manque quelque chose. « J’avais une passion pour l’entreprise, mais je ne le savais pas encore. C’est seulement après mon retour que je me suis dit : « Tiens, c’est ça qui me manquait ! » »
Il est également important de laisser place aux nouvelles idées, d’éviter les cadres rigides. « Il faut faire attention de ne pas imposer nos connaissances », confie Réjean Losier, propriétaire de Boisvert Mitsubishi, à Blainville. Ses fils participent à la gestion des deux autres concessions acquises en 2010, Terrebonne Mitsubishi et St-Jérôme Mitsubishi. « Les générations suivantes ont une façon différente de voir les choses. Lorsqu’il y a la confiance, il faut faire preuve d’ouverture d’esprit et les laisser aller, pour qu’ils adaptent les connaissances transmises à leur propre sauce. »
En laissant plus de place à l’initiative, le jeune découvre par luimême la meilleure façon de faire. « Mon père me laissait essayer des choses, renchérit François Machabée. Il m’arrivait parfois de lui dire : « Tsé P’pa, dans le fond t’avais raison… Pourquoi changer une recette gagnante ? » »
Une passion commune
Dans certains cas, les deux générations partagent une passion commune pour les véhicules motorisés qui remonte à l’enfance. « La chose qui nous a réunis, c’est l’amour de l’automobile, soutient Réjean Losier. On faisait et on fait encore de la compétition en rallye automobile. On a même pris part ensemble au championnat canadien de rallye de performance. »
Même scénario pour Amélie Machabée. « Mon père et moi, on a toujours fait de la moto ensemble », dit-elle. Cette passion commune les rapproche et les aide à passer à travers les moments plus difficiles. « Comme on se rejoint sur certaines choses, c’est parfois un peu plus facile que si on ne s’entendait pas bien en général. L’important, c’est la communication ; il faut se le dire quand ça ne se passe pas bien, avant que les choses dégénèrent. »
Un obstacle fiscal de taille
Malgré la bonne entente et l’ouverture d’esprit des parties en cause, le projet de transmission de la concession à la génération suivante se heurte à un obstacle de taille.
Lorsqu’un propriétaire québécois vend son entreprise à son fils ou a sa fille, celui-ci ou celle-ci doit payer des taxes sur la transaction. La facture peut facilement se chiffrer à des centaines de milliers de dollars, dans bien des cas.
« On est en train de transférer l’entreprise de mon grand-père à mon père, mais c’est compliqué parce que la loi fait en sorte qu’il est plus facile de vendre à un inconnu qu’à un membre de la famille !, s’insurge Amélie Machabée. Ça a de quoi décourager des gens, et ça explique peut-être en partie le manque de relève dans les concessions familiales. »
Dans les grandes entreprises, où les moyens financiers sont plus importants, la réglementation fiscale n’aide pas non plus. « Les parents aimeraient transférer l’entreprise à la deuxième ou à la troisième génération, mais ils doivent aussi penser à sécuriser leur retraite », souligne Norman John Hébert. « Dans certains cas, les propriétaires n’ont tout simplement pas la capacité financière et n’ont pas le choix de vendre leur concession. »
Des concessionnaires se résoudraient ainsi à vendre leur propriété à un groupe favorable aux entreprises familiales et qui va permettre au fils ou à la fille de conserver un rôle-clé dans la gestion de la concession. Une autre solution consiste à planifier longtemps à l’avance la succession, avec l’aide d’un fiscaliste, de manière à éviter les mauvaises surprises le temps venu.