Comme les véhicules sont de plus en plus constitués d’aluminium, les ateliers de carrosserie doivent modifier leurs techniques de réparation.
« L’aluminium est un métal extrêmement fragile. Contrairement à l’acier, il ne montre aucun signe de chauffe, et lorsqu’il devient trop chaud, il perce », explique J.R. Martino, directeur général de Budds’ Collision Services. « À cause de sa structure moléculaire, l’aluminium reste marqué par le dommage qu’il a subi. Ce matériau n’a pas de mémoire comme l’acier ; il doit être manipulé pour reprendre sa forme originelle. Il faut défaire cette structure moléculaire et la manipuler jusqu’à ce qu’elle retrouve son état d’avant l’accident. »
Les pionniers de l’aluminium
Budds’ Collision répare l’aluminium depuis les années 80. L’atelier fut l’un des premiers à obtenir une certification en réparation d’aluminium pour Jaguar et Land Rover, et le premier au Canada à disposer d’une chambre entièrement consacrée à l’aluminium.
« Certains de nos techniciens ont plusieurs années d’expérience en réparation d’aluminium, et ils sont maintenant en mesure de transmettre leur savoir-faire aux plus jeunes », explique J.R. Martino.
Travailler avec l’aluminium demande un certain apprentissage. Par exemple, il ne faut que quatre heures pour débosseler une aile en acier alors que la même réparation sur une aile d’aluminium en demande huit.
« La technique est essentiellement la même, c’est au moment de la préparation que tout est différent », ajoute-t-il.
« Cela demande le double du temps. Il est très difficile de réparer les plis dans l’aluminium et, neuf fois sur dix, le panneau doit être remplacé. Il nous faut établir la meilleure solution en comparant le coût de remplacement du panneau à son coût de réparation en termes d’heures de travail », explique le directeur général.
Davantage de remplacements
Ce dernier constate que le taux de remplacement des panneaux d’aluminium est plus élevé, tout simplement parce qu’un panneau neuf produit une réparation plus nette. « Nous sommes certifiés auprès de plusieurs marques d’origine, ce qui nous permet de nous procurer des panneaux d’aluminium auxquels les ateliers non certifiés n’ont pas accès », ajoute-t-il.
Comme d’autres propriétaires d’ateliers, Roy Pelletier de Thunder Bay constate une augmentation des coûts de réparation imputable au taux de remplacement élevé. « Les véhicules faits d’aluminium sont plus coûteux à réparer, point à la ligne », dit-il.
Bill Davidge, directeur technique national chez CARSTAR Canada, note que cela se fait sentir chez les assureurs. « Certains de nos assureurs partenaires scrutent notre stock de rebuts à la loupe pour tenter de trouver ce qui pourrait être réparé, dit-il. Constatant une hausse des coûts de réparation, les assureurs ont les yeux tournés vers l’industrie pour voir comment elle compte s’y attaquer. »
Selon Richard Marsh, directeur des opérations chez CSN – Brimell Collision à Scarborough, en Ontario, tout passe par la formation, même si les programmes portant exclusivement sur l’aluminium ne sont pas légion pour le moment. « Nos formations ont été pour la plupart données par I-CAR, dit-il. Certaines formations proviennent de certains concessionnaires de véhicules haut de gamme, comme BMW et Land Rover, ainsi que de certains fabricants ou distributeurs d’équipements. »
Le directeur des opérations précise que les techniques d’installation sont les mêmes pour les panneaux d’aluminium et les panneaux d’acier. Par contre, quand il s’agit de réparation, l’aluminium exige davantage de préparation et une bonne connaissance de sa structure moléculaire.
« Le remplacement de panneaux structurels exige une formation en soudage de l’aluminium, ajoute-t-il. Par exemple, la formation Ford sur l’aluminium est donnée à raison de huit heures, durant deux jours, et elle porte principalement sur le soudage. »
Il abonde dans le même sens que J.R. Martino de Budds’ Collision en ce qui concerne le recours plus fréquent au remplacement des panneaux d’aluminium au détriment de la réparation. « Nous constatons une forte hausse du nombre de remplacements. À un point tel que la solution la plus viable d’un point de vue économique est le remplacement, ni plus ni moins », explique Richard Marsh.
« Parce que les panneaux d’aluminium coûtent cher à réparer, les coûts de réparation continueront d’augmenter, précise-t-il. Ces coûts supplémentaires auront assurément des répercussions sur l’industrie. Les constructeurs devront réfléchir au coût de ces panneaux de remplacement, parce que nous allons tous finir par en payer le prix. »
Systèmes anticollision
Selon Richard Marsh, les coûts moyens de réparation ont commencé à monter en flèche avec l’apparition des systèmes anticollision. « Avant de quitter notre atelier, un véhicule doit avoir été scanné à l’arrivée et à la fin des travaux, et nous devons procéder à l’étalonnage des dispositifs de détection de chaque pare-brise. Une réparation qui coûtait 1000 $ il y a deux ans en coûte 1500 $ aujourd’hui. C’est une hausse de 50 % »
S’ils veulent s’adapter à la complexité croissante des véhicules et au prix élevé de la réparation et du remplacement de l’aluminium, les ateliers de carrosserie doivent régulièrement investir dans des installations, de l’équipement et de la formation. À titre d’exemple, l’ajout d’une aire de travail dédiée à l’aluminium est coûteux, mais nécessaire.
« Dans notre aire de travail consacrée à l’aluminium, nous avons deux supports mobiles dédiés ; nous avons investi au cours des années près de 500 000 $ en équipement pour cette pièce », explique J.R. Martino.
De nos jours, un véhicule ne quitte pas un atelier sans qu’un technicien en ait vérifié l’intégrité structurelle. D’ailleurs, bien des ateliers procèdent dorénavant à un scan avant et après la réparation pour s’assurer que les véhicules réparés ont retrouvé leur état d’avant l’accident.
Une spécialisation plus poussée ?
Selon Jack Rozint, vice-président des ventes et du service pour l’unité Réparation des dommages physiques à Mitchell International, les propriétaires d’ateliers de carrosserie doivent se poser la question suivante : « Suis-je en mesure de continuer à réparer toutes les marques et tous les modèles ? »
« Prévoyez-vous réparer des véhicules nécessitant de l’équipement spécial ou des certifications particulières, comme les Tesla, les CT6 de GM ou les Jaguar ? Selon la démographie de votre région, vous pourriez choisir d’investir de façon à pouvoir réparer le nouveau Ford F-150, renonçant du même coup à investir pour la réparation des véhicules Tesla.
« Je vous suggère fortement de ne pas négliger cette question, ajoute M. Rozint. Si vous n’investissez pas dans l’équipement et la formation, vous ne pourrez réparer les nouveaux véhicules de façon adéquate et sécuritaire.
« Et si les revenus annuels de votre atelier de réparation sont de 2 M$ ou moins, il vous sera impossible d’investir, sans nuire à vos marges bénéficiaires, pour les outils, l’équipement et la formation nécessaires. »