Parmi les métiers essentiels, il y a une urgence que celui de carrosserie passe au plus tôt de la queue au peleton de tête.
Les carrossiers étant fort déçus depuis de nombreuses années de la formation déficiente de la plupart des finissants, une trentaine de propriétaires d’ateliers nous ont volontiers fait part de leur opinion au fil des deux dernières années.
Pour ce faire, nous avions d’ailleurs soumis à plusieurs le programme de 130 pages qui définit depuis près de 30 ans, sans mise à jour digne de ce nom, la théorie et les techniques qui doivent être enseignées en 1590 heures.
À repenser entièrement
En gros, la technologie a fait des bonds si prodigieux en trois décennies que l’enseignement offert par les centres de formation professionnelle doit être repensé de fond en comble.
Il s’impose notamment d’aligner le prochain programme sur les normes et les procédures des constructeurs et des manufacturiers, dont la formation en matière de réparation est mise à jour au rychme de leur évolution.
L’urgence de reformater le DEP en carrosserie s’impose devant le désintérêt croissant des carrossiers à l’égard des finissants et les difficultés de recrutement des élèves.
Les carrossiers estiment également que toute source complémentaire de formation doit être prise en compte, dont ce que les constructeurs, les fournisseurs et les experts mettent en ligne.
Une image à refaire
Vu par ailleurs la triste image que les orienteurs présentent encore aux élèves attirés par la carrosserie et la peinture, celle-ci doit être radicalement changée à tous les niveaux.
Il est d’ailleurs suggéré que le nouveau DEP soit inspiré à tous égards de l’atelier modèle de 2017, dont le cycle de production combinant savoir-faire et rapidité d’exécution est calqué sur celui des usines de montage.
Dans cette veine, on souhaite aussi que les écoles s’assurent d’entretenir pour ces disciplines le plus vif intérêt en présentant dès le premier jour les étapes du métier, de l’estimation à la livraison d’un véhicule.
Quant à la formation proprement dite, elle devrait porter prioritairement sur le développement des habiletés touchant aux travaux courants, et sur une essentielle familiarisation aux aspects spécialisés.
Afin d’intégrer graduellement les étudiants à l’environnement de travail, les carrossiers croient en outre que la formule de l’alternance travailétudes devrait être grandement accentuée et systématiquement appliquée.
Conjuguer présent et avenir
Si une infime proportion d’experts de l’industrie ont été consultés il y a 20 ans lors de la timide révision du programme, on s’attend à ce qu’ils soient cette fois majoritaires.
Quant aux enseignants qui mettent l’accent sur les habiletés et les attitudes, et transmettent par initiative personnelle un savoir-faire correspondant aux nouvelles pratiques, ils sont fort appréciés.
Le rendez-vous manqué
En regard des recommandations adressées le 9 mai 1980 au ministre de l’Éducation par le Conseil supérieur de l’éducation, la gestion du cours de carrosserie aura abouti à un dérapage total.
Afin que les élèves aient de meilleures perspectives d’avenir, l’organisme proposait entre autres la création de comités de liaison écoles-industries et un net rapprochement avec le milieu du travail.
Au Québec, 6 % des adolescentes apprennent un métier, par rapport à 30 % en France et 60 % dans la riche Allemagne.
En conclusion, il est clair que si communication il y a eu entre ces deux mondes, elle n’a été généralement qu’exceptionnelle et n’a eu au fil des décennies aucun effet positif sur la pédagogie et le contenu du cours.
Suggestions des carrossiers
Programme
Adopter la formation par spécialisation – démontage, redressage, débosselage, préparation, revêtement, électronique, estimation • Adopter l’ensemble de la formation offerte par l’industrie • Adopter la formation par concomitance • Adopter la formation assistée par ordinateur • Adopter les nouvelles approches d’apprentissage • Adopter la formule de l’atelier modèle • Favoriser l’usage d’Internet • Intégrer les formations I-CAR • Intégrer les procédures des équipementiers • Intégrer les procédures des fournisseurs • Intégrer ou renforcer la formule d’alternance travail-études • Doubler le nombre d’heures de cours • Former selon l’ordre logique d’apprentissage • Multiplier les heures d’alternance dans l’industrie • Tenir les stages en période d’achalandage • Tenir à jour tous les volets du cours • Tenir enseignants et élèves informés des nouveautés • Utiliser l’équipement le plus à jour • Transformer le DEP en DEC.
Élèves
Les sélectionner en fonction de leurs talents • Leur présenter une image avant-gardiste du métier • Soutenir financièrement ceux qui sont loin des écoles.
Enseignants
Notions à inculquer : célérité • dépassement • détermination • discipline • passion • persévérance • respect • rigueur
Écoles
Appliquer le principe du compagnonnage • Avoir une politique d’accueil • Axer la gestion sur l’avant-gardisme et le service • Embaucher des carrossiers à la fine pointe • Être partenaire de l’industrie • Offrir de bonnes conditions aux enseignants • Prioriser le contact enseignants-industrie • S’assurer de leur professionnalisme • Veiller à ce que les enseignants soient à jour.
Critiques des carrossiers
Programme
Techniques dépassées • Limité à la restauration • Plus nuisible qu’utile • Trop court • Insuffisamment pratique • Inadapté au présent
Élèves
Non sélectionnés • Insouciants • Irresponsables • Indisciplinés • Désintéressés • Sans talent • Non ponctuels • Instables • Non persévérants
Enseignants
Démotivés • Dépassés • Désorganisés • Impossibles à joindre • Liés par la structure
Écoles
Axées sur la gestion • Coupées de l’industrie • Inaccessibles • Mal équipées • Peu nombreuses • Sans mission sociale
Les écoles
Les seuls centres de formation professionnelle offrant le cours de carrosserie lorsqu’il y a suffisamment d’inscriptions sont situés à Chicoutimi, Gatineau, Joliette, La Prairie, Montréal, Québec, Rimouski, Saint- Georges, Saint-Jérôme, Sherbrooke, Trois-Rivières, Vald’Or et Verdun.
Une pénurie systémique
En concentrant en 13 écoles les cours relatifs à la carrosserie, le ministère de l’Éducation est le principal responsable de la grave pénurie de main-d’oeuvre qualifiée qui touche l’ensemble du Québec. Les carrossiers estiment qu’un soutien financier devrait permettre aux élèves éloignés de s’y inscrire, de même que l’adoption d’une politique complète de formation en milieu de travail, financée et supervisée par le ministère.